Après avoir visité les superbes ruines du parc historique de Sukhothai, je me suis rendue à Chiang Mai située dans le Nord de la Thaïlande. Deuxième ville la plus importante du pays après Bangkok, Chiang Mai fut autrefois la capitale du royaume indépendant de Lan Na. Aujourd’hui rattachée au royaume de Thaïlande, Chiang Mai est une destination très prisée des touristes qui offre un curieux mélange des genres. Entre les rues où se succèdent bars à l’occidental, marchés et instituts de massage, se trouvent disséminés à travers la ville les vestiges d’un glorieux passé.
La fondation du royaume de Lan Na
Lan Na est avec Sukhothai et Ayutthaya l’un des royaumes qui prospéra sur le territoire qui correspond aujourd’hui à la Thaïlande. Le royaume de Lan Na fut fondé en 1259 par le roi Mangrai, prince thaï-laotien et fils d’un dirigeant de Chiang Saen. Mangrai étendit son pouvoir jusqu’aux états voisins et fonda la ville de Chiang Rai en 1262 (située à la frontière de l’actuel Laos) où il installa sa capitale. Il y développa les défenses militaires de la région et ses structures administratives. Il fit également construire de nouvelles cités et monastères. En 1289 il conquit Pegu, capitale de la région Mon en Birmanie. Mangrai épousa d’ailleurs la fille du roi de Pegu, Suddhasoma. Enfin, en 1296 ce souverain conquérant déplaça sa capitale à Chiang Mai et y installa sa résidence royale.
Pendant les 50 années du règne de Mangrai, de nombreux édifices religieux et des palais royaux furent construits.
Mangrai encouragea le développement de la culture Mon (un groupe ethnique originaire de Birmanie) et du bouddhisme Therevada. Il sut édifier un royaume qui résista à la menace mongole. Mangrai était par ailleurs un contemporain du grand roi de Sukhothai, Ramakhambeng (cf. histoire de Sukhothai). Mangrai s’était également lié d’amitié avec le souverain du royaume voisin de Phayao, Ngam Muang. Lorsque des désaccords éclataient entre le souverain de Sukhothai et celui de Phayao, c’était le roi Mangrai de Lan Na qui faisait office de médiateur. Cette entente est immortalisée dans la sculpture « des trois rois » que l’on peut observer dans le centre de Chiang Mai (cf. photo ci-contre).
Le roi Mangrai mourut en 1317 laissant derrière lui un vaste territoire s’étendant aux frontières nord de Sukhothai et jusqu’au sud des provinces de Chine. Mais à sa mort le royaume connut une crise de succession qui dura près d’une trentaine d’années. Entre 1320 et 1350 le royaume fut confronté à une série d’abdications des différents souverains. Malgré tout, entre 1367 à 1385, Lan Na prospéra de nouveau sous le roi Ku Na. Plusieurs décennies plus tard, un autre souverain sut également faire prospérer le royaume. Le règne du roi Tilokracha (1442-1487) ) est ainsi associé à un âge d’or des arts et de la religion où de nombreux temples furent érigés.
Le royaume continua à maintenir son influence et garda son indépendance jusqu’au XVIème siècle où il fut conquis par les Birmans.
Les conflits avec la Birmanie et Ayutthaya
Tout au long de son histoire, Chiang Mai fut très souvent en guerre contre ses voisins birmans mais également contre le royaume d’Ayutthaya (cf. histoire d’Ayutthaya), situé près de l’actuel Bangkok (des conflits opposèrent notamment les deux royaumes en 1507, 1508 et 1515).
En 1558, la Birmanie infligea une lourde défaite au royaume de Lan Na et en fit son vassal. Forts de cette alliance forcée, les Birmans alors dirigés par le roi Bayinnaung (1551-1581), attaquèrent différentes cités du nord et envahirent le royaume rival d’Ayutthaya en 1569. La ville fut pillée et des prisonniers furent emmenés en Birmanie (Ayutthaya sera définitivement détruite par les Birmans en 1767).
Vers la fin du XVIème siècle, Lan Na commença à se rebeller contre la domination des Birmans qui étaient en mauvaise posture. En effet, le roi d’Ayutthaya, « Naresuan le Grand » (1590-1605) entreprit de reconquérir l’indépendance de son royaume et parvint à chasser les Birmans de son territoire. Naresuan plaça alors le royaume de Lan Na sous sa protection. Pour autant, cette alliance n’empêcha pas l’émergeance de nouveaux conflits entre Lan Na et la Birmanie qui continua d’exercer sa domination sur Chiang Mai pendant près de deux siècles.
En 1776, intervint un autre personnage important de l’histoire de Thaïlande, le roi Taksin de Thonburi. Près de 10 ans après la chute définitive d’Ayutthaya (1767) et sa conquête par les Birmans, Taksin entreprit de chasser les Birmans du territoire. Ce fut un succès. Fort de sa victoire, il se proclama roi et fonda sa capitale royale à Thonburi située dans l’actuelle Bangkok. Ce roi éphémère qui finit par être exécuté en raison de sa soif excessive de pouvoir (il alla jusqu’à déclarer être l’incarnation terrestre de Bouddha) reprit Chiang Mai aux Birmans. Mais le répit fut de courte durée pour Chiang Mai. Affaiblie, elle fut abandonnée pendant une vingtaine d’années avant que le roi roi Rama Ier (fondateur de l’actuelle dynastie des Chakri) lui redonne vie en 1796. Il nomma à sa tête le prince de Lamphang. La cité garda un statut de province semi-autonome jusqu’en 1939 où le dernier prince de Chiang Mai mourut.
Aujourd’hui, quelques vestiges de l’ancienne capitale du royaume de Lan Na demeurent dans les rues de Chiang Mai. De magnifiques temples disséminés à travers la ville moderne attendent ainsi d’être visités.
Visite du cœur historique de Chiang Mai
Le centre de la ville de Chiang Mai est entouré d’un ancien mur d’enceinte à l’intérieur duquel se trouve une partie des plus importants temples de la ville. Ce mur dessinant la forme d’un quadrilatère date du début du XIXème.
Les temples de Chiang Mai possèdent une architecture particulière (bien qu’elle ne soit pas simple à percevoir pour un œil non connaisseur comme le mien). Le royaume de Lan Na et sa capitale Chiang Mai furent en effet un territoire indépendant pendant plusieurs siècles. Cela se retrouve dans l’architecture spécifique des temples de la région. Les temples principalement construits en bois se caractérisent par des toits plus larges et plus bas. Ils se démarquent également par leurs couleurs plus douces et leurs sculptures sur bois. L’architecture est par ailleurs fortement marquée par l’influence birmane.
Je vous propose de partir à la découverte de quatre grands ensembles de temples qui ont marqué ma visite de Chiang Mai : l’impressionnant Wat Chedi Luang, le tranquille Wat Phra Sing, l’adorable Wat Chiang Man et enfin, le célèbre Wat Doi Suthep perché en haut des montagnes.
Le Wat Chedi Luang
Au détour des rues investies par les bars et les insituts de massage se dresse une impressionnante structure, le Wat Chedi Luang. Entouré de petits temples (dont le Wat Pan Tao), le Wat Chedi Luang est un chedi (tour en forme de cloche d’inspiration khmer) en ruines. Bien qu’il soit partiellement détruit, il est aisé de voir que ce bâtiment avait autrefois une taille immense qui frappe encore aujourd’hui le visiteur. Construit en 1401, il s’élevait à 90 mètres et aurait été l’un des plus hauts édifices de l’antique Chiang Mai. Il aurait été édifié durant le règne du roi Saen Muang Ma pour rendre hommage à son père le roi Ku Na.
Il fut fortement endommagé lors d’un tremblement de terre en 1545. Pour d’autres, le chedi aurait fait les frais du roi Taksin et de ses canons lors de la reprise de la ville qui était alors aux mains des Birmans en 1776 (cf. histoire de Chiang Mai ci-dessus). Des travaux de restauration conduits par l’Unesco ont partiellement reconstitué le monument. Ainsi les éléphants dont l’aspect cimenté peut laisser songeur ont repris vie. De même que l’escalier formé par un gigantesque Naga, serpent au service du dieu Vishnu. Le Wat Chedi Luang abritait autrefois le célèbre bouddha d’émeraude qui se trouve aujourd’hui au grand palais de Bangkok.
Le Wat Phra Sing
Le Wat Phra Sing est l’un des monastères les plus célèbres de Chiang Mai. Il aurait été construit en 1345 pour accueillir les cendres d’un roi de Chiang Mai (le roi Kham Fu – 1328-1337). Il constitua un important centre religieux pendant près de 700 ans. Les différents temples qui composent cet ensemble religieux ne datent pas tous de la même période, certains ayant été construits au XIXème.
Le Wat Chiang Man
Ce magnifique monastère gardé par une adorable troupe de chiens et de chats est mon coup de cœur des temples de Chiang Mai. Il est également l’un des temples les plus anciens de la ville et il servit de résidence au roi Mangrai. Devant la salle d’ordination des moines se trouve une stèle gravée en 1581 faisant référence à la construction de la ville en 1296. La stèle indique également que le roi Mangrai séjourna en ce lieu avant qu’il ne devienne un monastère.
Le Wat Doi Suthep
Le Wat Doi Suthep est un lieu incontournable de Chiang Mai. Situé en dehors de la ville, ce temple se dresse sur la montagne Doi Suthep à 1053 mètres d’altitude. On y accède en montant les 304 marches d’un élégant et impressionnant escalier gardé par des nagas (cf. première photo du post). Il est l’un des temples les plus vénérés du nord de la Thaïlande.
Construit en 1383 sous le règne du roi Ku Na (1367-1385), ce temple trouve ses origines dans une étonnante légende. Un moine de Sukhothai aurait en effet conseillé au roi d’envoyer dans la montagne des reliques sacrées et d’y édifier un temple. Les reliques furent placées sur le dos d’un éléphant blanc que l’on laissa aller à son gré dans la montagne. Lorsqu’il mourut, on fit édifer le temple du Doi Suthep à l’endroit où l’animal s’était éteint. Cette légende est dépeinte sur les sculptures en bois qui ornent le temple (cf. photo ci-dessous).
En s’éloignant des édifices, on peut admirer la vue sur la ville de Chiang Mai qui s’étend aux pieds de la montagne, tout en écoutant le son des cloches secouées par les visiteurs du temple. C’est en haut de la montagne Doi Suthep, après avoir atteint son point culminant, que s’achève cette visite de Chiang Mai.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de Chiang Mai, je vous conseille de lire :
« Thailand Condensed » d’Ellen London – Marshall Cavendish Editions – 2011
« Thailand, A traveller’s companion » – Dusit International – Asia books
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