Palais royal de Madrid, "El palacio real"

Petite histoire de Madrid des Habsbourg

Madrid. J’ai parcouru le cœur vibrant de cette ville pleine de vie sur les traces des Habsbourg, cette dynastie qui marqua si profondément la capitale espagnole. J’ai visité l’imposant Palacio real pour ensuite me perdre dans les rues du centre de la ville à la recherche des vestiges laissés par ceux qui ont fait la Madrid du XVIème siècle. Enfin, j’ai pénétré le cœur de l’Escorial et me suis laissée bercer par la sérénité de ce monastère et palais construit par Philippe II d’Espagne à plusieurs lieues de Madrid. C’est l’histoire de Madrid sous la dynastie des Habsbourg que je voudrais raconter à travers ses plus beaux lieux historiques. 

Comment le royaume d’Espagne passa sous la dynastie des Habsbourg ?

Commençons tout d’abord par un petit rappel de l’histoire des Habsbourg à Madrid pour comprendre comment cette dynastie s’est retrouvée à la tête du royaume d’Espagne.

Si l’histoire a surtout retenu le nom de Charles Quint dans l’histoire des Habsbourg d’Espagne, c’est son père, Philippe le Beau, qui fut le premier roi d’Espagne de cette dynastie. C’est la conséquence de son mariage avec Jeanne de Castille, fille des fameux rois Catholiques d’Espagne (Isabelle I de Castille et Ferdinand II d’Aragon) et qui passa à la postérité sous le surnom de « Jeanne la folle » en raison de ses crises de mélancolie. Si le règne de Philippe le Beau est peu resté dans les mémoires c’est sûrement parce qu’il ne dura que quelques mois.

Philippe le Beau est le fils de l’empereur Maximilien I d’Autriche et de Marie de Bourgogne, comtesse de Bourgogne et de Flandre (cf. article sur l’histoire de Lille). On dit que son mariage avec Jeanne de Castille en 1495, bien qu’étant avant tout un mariage d’Etat, fut un mariage heureux. Il fut marqué, du moins dans les premières années, par une véritable attirance mutuelle entre les futurs époux dès leur rencontre.

La mort d’Isabelle de Castille vint changer le cours des événements. Son époux Ferdinand tenta de prendre le contrôle de la Castille mais en vain face à l’opposition des nobles qui ne l’appréciaient guère. Bénéficiant de l’appui des nobles, Philippe fut appelé à régner en tant que roi de Castille et de Leon suite à la signature d’un accord, le traité de Villafafila. Pourtant, durant son court règne Philippe le Beau ne parvint pas à se détacher de l’image d’étranger. Le choix du roi de s’entourer de personnalités flamandes renforça le fossé avec les Espagnols et sema les germes de la future rébellion des communes que dut gérer par la suite son fils Charles Quint.

Mais en 1506, le jeune roi décéda brutalement. Selon la légende, il serait mort après avoir bu de l’eau extrêmement froide suite à une partie de jeu de paume particulièrement harassante. Pour d’autres, il aurait tout simplement été assassiné. Aujourd’hui, certains experts  pencheraient plutôt pour la peste qui s’était alors déclarée dans la ville de Bruges située dans l’actuelle Belgique. Quoi qu’il en soit, Philippe le Beau laisse son épouse alors enceinte pour la sixième fois, seule et inconsolable. Déjà fragile, l’état de la reine devint si inquiétant suite à la naissance de sa fille, que son père décida de la faire enfermer. Malgré cette fin tragique, cette union changea le cours de l’histoire de l’Espagne qui passa sous la dynastie des Habsbourg et qui propulsa à sa tête Charles Quint, le futur empereur du Saint Empire germanique.

Charles I d’Espagne ou Charles V d’Allemagne, hérita des territoires de Hollande, du Luxembourg, de l’Artois, de la Sicile, de la Sardaigne, des royaumes d’Aragon et de Castille ainsi que des territoires récemment colonisés en Amérique.

Charles I d’Espagne ou Charles V d’Allemagne, hérita des territoires de Hollande, du Luxembourg, de l’Artois, de la Sicile, de la Sardaigne, des royaumes d’Aragon et de Castille ainsi que des territoires récemment colonisés en Amérique. Bref, il se retrouva à la tête d‘un immense royaume. Né en 1500, il vécut les premières années de sa vie dans les Flandres. Cependant, en 1517, Charles dut se rendre en Espagne pour prendre en charge la couronne. Mais le roi se heurta à une crise politique déjà initiée sous son père. Lorsque Charles Quint arrive en Castille accompagné d’un cortège flamand, il ne parle par un mot d’Espagnol et connait très mal les lois de ses sujets. Très vite, cette autorité étrangère échauffe les esprits et plusieurs villes de Castille comme Toledo se soulevèrent contre le monarque. Mais privé de ses leaders, le mouvement s’affaissa et les royaumes espagnols se pacifièrent au prix de leurs libertés face à l’empereur. Et Charles Quint n’est pas n’importe quel empereur. Héritier d’un immense territoire, il mena sa politique internationale de manière à affirmer la dynastie des Habsbourg face aux deux autres puissances européennes, la France alors dirigée par François Ier, et l’Angleterre d’Henri VIII. Les tensions avec la France portaient en particulier sur la domination de l’Italie et de la zone méditerranéenne. Les affrontements se succédèrent jusqu’à la fatidique défaite de Pavie où le roi de France lui-même fut fait prisonnier. L’empereur dut aussi faire face à une autre puissance, celle de l’empire Ottoman sous Soliman le Magnifique. L’un des événements les plus marquants qui résulta de cet affrontement fut le fameux siège de Vienne en 1532 par les Ottomans, que les armées espagnoles et allemandes parvinrent à stopper de justesse.

Le règne de Charles Quint fut également marqué par les agitations religieuses portées par la réforme protestante de Martin Luther. L’empereur tenta de renforcer l’unité religieuse de l’Eglise par la tenue du Conseil de Trente en 1545. Enfin, le règne de Charles Quint fut également le temps de la colonisation de l’Amérique du Sud. Mais en 1556, l’empereur fatigué par des années de règne, décida de se retirer du pouvoir et cèda sa couronne à son fils Philippe II d’Espagne. Une première dans l’histoire d’Espagne depuis plusieurs siècles !

Madrid, sous Philippe II à Philippe IV d’Espagne

Madrid va prendre un tournant majeur sous le règne de Philippe II où le pouvoir royal se déplace vers la ville. L’absence d’un centre urbain à partir duquel le roi pourrait asseoir son pouvoir et renforcer l’administration de l’empire, le poussa en effet à rompre avec la tradition de la cour itinérante de Castille et à choisir une capitale royale. Ce sera Madrid qui se trouve à mi-chemin de l’Aragon, du Portugal et de Séville. L’aristocratie et les institutions religieuses suivirent. Monastères et palais se firent ainsi de plus en plus nombreux. Une des constructions les plus marquantes de cette période fut celle de l’Escorial (cf. billet suivant sur El Escorial), construit par Philippe II.

Tout comme son père, Philippe II dut faire face dès le début de son règne à la menace française. Le conflit contre la France alors dirigée par Henri II, se traduisit par la fameuse bataille de Saint-Quentin en 1557 qui marqua le triomphe des troupes espagnoles et permit à l’Espagne s’asseoir son hégémonie sur l’Italie. Libéré de la menace française, Philippe II entrepris alors un combat contre un autre ennemi de son père, les Turques. Sur les encouragements du Pape Pie V, les royaumes hispaniques, vénitiens, génois, pontificaux etc., constituèrent une énorme flotte sous le nom de « Sainte ligue » pour repousser la menace ottomane. C’est ainsi qu’en 1571, les assaillants obtinrent une écrasante victoire dans le golfe de Lepante.

Libéré de la menace française, Philippe II entrepris alors un combat contre un autre ennemi de son père, les Turques. Sur les encouragements du Pape Pie V, les royaumes hispaniques, vénitiens, génois, pontificaux etc., constituèrent une énorme flotte sous le nom de « Sainte ligue » pour repousser la menace ottomane. C’est ainsi qu’en 1571, les assaillants obtinrent une écrasante victoire dans le golfe de Lepante.

Malgré ces victoires, l’empire est toujours en proie à l’instabilité et trouve ses limites mêmes dans l’autorité incontestable de Philippe II impliquant une perte de liberté de chacune des provinces. Par ailleurs, le manque de considération du monarque pour les problèmes rencontrés par ses sujets à Bruxelles conduisit à faire d’un simple soulèvement contre le pouvoir central, une guerre à l’échelle internationale favorisée par la diffusion du calvinisme dans les provinces du Nord et par les problèmes financiers de l’administration espagnole. Le soulèvement atteignit son point d’orgue avec la famine et la fureur iconoclaste des calvinistes qui conduisit en 1566 à la destruction de couvents et églises de Gant et d’Anvers. L’insurrection fut sévèrement réprimée par les troupes envoyées par Philippe II.

Plus tard, l’année 1580 fut le témoin d’un des plus grands succès du monarque espagnol. Sébastien I de Portugal, neveu de Philippe II, décéda sans héritier. Le roi fit valoir avec succès ses droits sur la couronne de Portugal en tant qu’héritier le plus proche. Cette réussite encouragea Philippe II à conduire de nouvelles entreprises militaires. Cela se concrétisa avec la fameuse « armada invincible » lancée sur l’Angleterre. En effet, les rivalités rencontrées entre les deux pays en Amérique, les agressions continues des galions espagnols par les corsaires britanniques et enfin l’exécution de Marie Stuart reine catholique, par Elizabeth I, détériorèrent fortement les relations entre l’Espagne et l’Angleterre. Mais l’envoi de l’immense flotte supposée « invincible », se solda par un échec retentissant. La flotte fut engloutie en 1588 sous l’effet d’une météo peu clémente. Dix ans plus tard, et peu après avoir réprimé une révolte dans la province d’Aragon, Philippe II décède au monastère del Escorial. Il laisse un royaume épuisé par les guerres, la maladie, le gaspillage des nombreuses ressources apportées par la colonisation de l’Amérique, et par une économie sur le point de s’effondrer. C’est dans ce contexte que Philippe III monte sur le trône.   

Statue de Philippe III d'Espagne sur la "Plaza Mayor" de Madrid
Statue de Philippe III d’Espagne sur la « Plaza Mayor » de Madrid

Le nouveau monarque dut une fois de plus faire face aux autres puissances européennes, l’Angleterre et la France alors dominée par Richelieu et Mazarin. Le règne du Philippe III fut également marqué par la dramatique expulsion des Maures de Castille et d’Aragon. Sous prétexte d’attenter à la sécurité de la monarchie, le duc de Lerma à qui le roi confia les rênes du pouvoir, décréta en 1609 leur expulsion. Le roi décéda en 1621, laissant la couronne à un fils encore jeune, le futur Philippe IV.

Lorsque Philippe IV d’Espagne accède au pouvoir en 1621, l’empire est en déclin. Cet affaiblissement est  fortement accentué par les guerres constantes auxquelles le royaume est confronté. Le règne du roi sera ainsi fortement marqué par la guerre de Trente ans (1618-1648 qui opposa les principaux royaumes d’Europe sur fond de guerre de religion) et ses conflits avec les Pays-Bas et le royaume de France qui ne s’achevèrent qu’avec le mariage de Louis XIV avec Marie Thérèse d’Autriche en 1660 (fille de Philippe IV). Mais le roi délègue son pouvoir au comte d’Olivares, un personnage de l‘histoire d’Espagne fortement critiqué, afin de pouvoir se livrer à ses passions, notamment celle de l’art. Philippe IV d’Espagne se convertit ainsi en grand mécène de son temps et fera de Madrid un véritable foyer culturel. Il prit notamment sous sa coupe le fameux peintre Velasquez, auteur la peinture « Las Meninas » actuellement exposée au musée Del Prado à Madrid. Velasquez réalisa de nombreux portraits de la famille royale avec un tel talent que cela lui vaudra d’être anobli par le roi en 1660. Du second mariage du roi avec Marie-Anne d’Autriche naîtra Charles II, le dernier roi de la dynastie des Habsbourg puisqu’il mourut sans héritier. Ainsi s’acheva l’histoire des Habsbourg de l’Espagne et de Madrid.

Je vous propose à présent de revenir sur l’histoire de cette formidable dynastie en visitant Madrid, ses lieux emblématiques, héritage des Habsbourg.

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Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de Madrid et des Habsbourg (et pour les amateurs d’espagnol), je vous conseille de lire le livre « Explora lo desconocido de Madrid » de Fatima de la Fuente et d’Enrique Fernandez, ediciones la Libreria