Avec son château datant du Moyen-âge, son imposant donjon, ses falaises de craie, ses forêts et ses troglodytes, la petite ville de La Roche-Guyon est un lieu incontournable de la région du Vexin (le village a d’ailleurs été récemment élu comme l’un des plus beaux villages de France). Dominant la Seine, le château de La Roche-Guyon trouve ses origines au XIIème siècle où il servait de bastion contre l’envahisseur normand et anglais.
Visité par François Ier, Henri II et Henri IV, le château a traversé les siècles et a connu différents propriétaires. Les familles de Silly (devenues La Roche-Guyon à la Renaissance), de Plessy-Liancourt et enfin de La Rochefoucauld (actuels propriétaires du château) se sont succédées. Le château a également traversé des heures sombres pendant la Seconde Guerre mondiale où il fut occupé par l’état-major allemand. Les actuelles casemates en sont d’ailleurs le triste souvenir. Retour sur l’histoire de ce château et de son donjon qui font de La Roche-Guyon un endroit si exceptionnel.
Le château sous les sires de La Roche au Moyen-âge
Une première mention du site remonterait au IIIème siècle à travers la vie de deux saints, Saint Nicaise et Sainte Pience. Le premier aurait été envoyé par le Pape pour convertir les peuples du Nord à la religion chrétienne. Il y aurait ainsi converti une jeune femme devenue « Sainte Pience ». Il aurait aussi rendu la vue à un aveugle, « Saint Clair ». Mais ils furent poursuivis par le gouverneur des lieux qui, ne voyant pas d’un bon œil ces Chrétiens, les firent martyriser. Selon la légende, la sépulture de Saint Nicaise reposerait au cœur même de la falaise de La Roche-Guyon.
Situé à la frontière du royaume de Normandie et de France, le château occupait une position stratégique dans les conflits qui opposaient régulièrement le roi de France au duc de Normandie. Philippe Auguste joua ainsi un rôle clé dans l’histoire du château. En 1190, il accorda aux sires de La Roche, propriétaires du château et alliés du roi, le privilège d’instaurer une taxe sur les marchandises transitant sur la Seine entre Paris et Rouen. Une véritable mine d’or pour les seigneurs du château, assurant ainsi la prospérité du château. C’est d’ailleurs à cette époque que fut édifié le donjon. Dominant la vallée et la Seine, cette tour constituait à la fois un observatoire idéal en cas d’approche des ennemis, un bastion défensif et un lieu de contrôle du trafic fluvial désormais vital. De forme circulaire, elle atteignait à l’origine près de 30 mètres de haut. Deux portes fortifiées vinrent compléter ce système de défense au début du XIIIème siècle.
Au début du XVème siècle, le château allait devoir faire face aux conséquences de guerre de Cent ans (1337-1453) qui opposait le royaume de France au royaume d’Angleterre. Guy VI de La Roche décéda lors de l’écrasante défaite de l’armée française à Azincourt en 1415. Son épouse Perette de La Rivière se retrouva seule pour défendre la forteresse lors du siège du comte de Warwick qui venait de s’emparer de la Normandie. La veuve dut s’enfuir avec ses enfants et il fallut attendre 1449 pour que son fils, Guy VII, reprenne l’édifice. Mais le nouveau seigneur du château mourut sans héritier mâle. C’est ainsi que la forteresse passa entre les mains d’une nouvelle dynastie, les Silly, conséquence du mariage de la fille de Guy VII avec Bertin de Silly.
La transformation du château à la Renaissance
A l’aide des revenus procurés par le péage mais également par les foires, les nouveaux seigneurs des lieux réalisèrent différents aménagements afin de faire du château un endroit plus confortable. La demeure pu ainsi s’offrir le luxe d’accueillir la cour royale lors de parties de chasse. C’est d’ailleurs à cette occasion que François de Bourbon-Condé, comte d’Enghien, mourut dans de biens mystérieuses conditions. Le comte était alors un des favoris de François Ier, en raison notamment de sa participation aux guerres d’Italie. Le succès aurait-il pu irriter quelques jaloux? Était-il révélateur des tensions qui régnaient alors à la cour de France et qui atteindront leur paroxysme sous Catherine de Médicis et ses fils? Quoi qu’il en soit, le 23 février 1546, alors que la cour se livrait à une partie de boules de neige, un coffre contenant du linge tomba soudainement sur la tête du comte et l’expédia ad patres!
Malgré cet étrange accident, la famille conserva les faveurs de la famille royale et en 1575, Louis de Silly fut fait comte de La Roche-Guyon par Charles IX. Pourtant, quelques années plus tard, le château changea de nouveau de nom de propriétaires avec les Plessis-Liancourt. En effet, en 1628 François de Silly décéda lors du siège de La Rochelle initié par le Cardinal de Richelieu contre les protestants. Sa veuve épousa Charles du Plessis-Liancourt. Ils eurent un fils, Roger du Plessis-Liancourt qui procéda à de nombreux réaménagements pour faire du château un lieu de plaisance. Mais l’histoire se répète et suite à la mort sans héritier mâle d’Henri Roger de Liancourt et au mariage de sa fille avec François VII de La Rochefoucauld, le château passa sous la responsabilité de ses actuels propriétaires, les Rochefoucauld. La nouvelle famille apposa elle aussi sa signature par des travaux de réaménagement. C’est notamment au XVIIème siècle que fut aménagé le potager qui s’étend aujourd’hui aux pieds du château. Une figure de cette dynastie se démarqua en particulier. Il s’agit de Louise Elisabeth de La Rochefoucauld, duchesse d’Enville. Fréquentant l’économiste Turgot ainsi que Voltaire (auprès de qui elle défendit le protestant Calas accusé d’avoir tué son fils), elle apparaît comme une femme d’esprit éclairée.
Durant le XIXème et le XXème siècle le châteaux fit le bonheur des dessinateurs, lithographes et des peintres impressionnistes. La forteresse prit successivement vie sous les coups de pinceaux de Camille Pissaro et de Claude Monet.
Visite du château de La Roche-Guyon
Plusieurs choses sautent aux yeux lorsque l’on arrive devant le château. Le donjon qui domine la ville, impossible à manquer, mais également la large cour s’étendant aux pieds du château. Il s’agit de la cour des écuries aménagée dans les années 1740 et menant vers le bâtiment des écuries. Avant de pénétrer dans la cour on observe une grille flanquée d’armoiries. Ce sont celles des La Rochefoucauld. Au fond de la cour, de petites arcades laissent deviner les remises à voiture.
Pénétrons à présent à l’intérieur du château. Si toutes les pièces n’ont pas la chance d’être meublées le visiteur n’en fait pas moins un voyage dans le temps. Après avoir traversé le pavillon de Villars construit au XVIIIème siècle, nous atteignons la grande terrasse surplombant la cour des écuries. La terrasse servait au Moyen-âge de lieu de passage. S’y trouvaient des portes fortifiées. Les seigneurs des lieux pouvaient ainsi contrôler toutes les allées et venues. On peut d’ailleurs encore voir la présence d’un assommoir et d’une herse au bout de la terrasse.
A l’intérieur du château, après avoir emprunté l’escalier d’honneur, on accède à la superbe salle des gardes. Construite au XIVème, son décor fut cependant réalisé en 1880. C’est dans cette pièce que se déroulaient les principaux actes de la vie publique des seigneurs des lieux. Les couleurs du plafond sautent aux yeux du visiteur. On peut y voir la devise des La Rochefoucauld « C’est mon plaisir ».
Se trouve plus loin la salle à manger qui fut autrefois la chambre des seigneurs du château au Moyen-âge. Son décor date quant à lui du XIXème siècle. Lui succède la chambre du « Cardinal » donnant sur la cour d’honneur à laquelle on accède par une porte-fenêtre. Une autre pièce attire immanquablement l’attention par son jeu de miroir qui donne l’impression de voir son reflet se reproduire à l’infini. Il s’agit du cabinet de la cour carrée où l’on accède par le petit salon qui remonte au XVIIème siècle. Son décor de boiseries date en revanche du début du XVIIIème siècle.
L’on atteint ensuite le somptueux salon de la duchesse d’Enville. Ce salon de cent trente mètres carrés apparaît dans tout son raffinement avec ses magnifiques tentures. Le mobilier de la pièce ayant été vendu en 1987, seules les tentures demeurent dans le salon. Elles illustrent le « Livre d’Esther » dont l’histoire fut racontée par Racine à la demande de Madame de Maintenon. L’histoire raconte comment Mardochée à la tête de la diaspora juive en Perse, arrangea le mariage de sa nièce Esther avec le roi perse Assuréus (Vème siècle avant J.C.). Cette dernière déjoua le complot tramé par le grand Vizir Aman qui tentait de convaincre le roi de tuer les Juifs du royaume perse.
Enfin, impossible de passer à côté de l’antichambre de la duchesse avec son décor asiatique dont la haute société raffolait au XVIIIème siècle. La bibliothèque dont les livres fantômes en carton illustrent la dispersion de ses dix milles ouvrages en 1987, vient clore la visite de l’intérieur du château.
Dirigeons-nous à présent vers le clou de la visite, le donjon. Mais non sans passer par les pigeonniers et les chapelles troglodytes. On y accède en empruntant une galerie creusée dans la falaise qui permet au passage d’admirer la vue sur les toits du château. Plusieurs marches plus loin, le visiteur accède à trois chapelles troglodytes aménagées entre 1816 et 1819. A l’intérieur, une magnifique galerie jouxte les chapelles. On peut encore y voir des reliefs illustrant des chapitres de la vie de Sainte-Pience (cf. paragraphe ci-dessus).
En continuant à gravir les marches on débouche sur une pièce semblant entièrement constituée de centaines de petits trous creusés à même les murs de pierre. C’est le pigeonnier du château dont l’existence remonterait au XVIIème siècle. Il comporterait près de 1500 boulins, trous où s’abritaient les pigeons et colombes. Enfin, il faut gravir un souterrain abritant un escalier taillé dans la roche pour accéder au donjon et pour admirer la magnifique vue donnant sur la ville et la Seine.
Pour ceux qui souhaiteraient poursuivre la visite de la région et pour les amoureux de la peinture impressionniste et des jardins fleuris, sachez que La Roche-Guyon se trouve à seulement quelques kilomètres de Giverny, la célèbre maison de Claude Monet !
Si vous souhaitez en savoir plus sur le château de La Roche-Guyon, je vous conseille de lire le guide « Le Château de La Roche-Guyon », édition du patrimoine ou de vous rendre sur http://www.chateaudelarocheguyon.fr/
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