Lille, capitale du Nord. Elle n’a pourtant pas toujours été française et est successivement passée entre les mains des Flamands, Bourguignons, Espagnols pour finalement devenir française avec Louis XIV. Je vous propose de découvrir une partie de l’histoire de Lille à travers plusieurs lieux et quartiers emblématiques ; la Grand Place, le quartier du Vieux Lille et enfin la fameuse citadelle de Vauban.
Le quartier de la Grand Place, témoin de siècles d’histoire
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Autrefois place de marché au Moyen Âge, la Grand Place de Lille est un lieu incontournable de la ville. Construite en 1717 dans le but d’accueillir la garde royale, elle a assisté à de nombreux événements, qu’il s’agisse du bombardement de la ville en 1792 par l’armée autrichienne ou bien de l’annonce au peuple lillois en 1914 du décret de mobilisation. Le bombardement autrichien laissa d’ailleurs de nombreuses traces sur la Grand Place. Une des conséquences en fut notamment la destruction de son église Saint-Etienne dont les débris restèrent sur place pendant 10 ans ce qui valut à la rue qui occupe aujourd’hui la place de l’ancienne église, le nom de « rue des débris-Saint-Etienne ». De nos jours, la Grand Place qui accueille notamment le Théâtre du Nord et la grande librairie du Furet du Nord, constitue l’un des plus beaux endroits de la ville où lillois et touristes affluent en masse chaque week-end.
Le palais maudit de Rihour
Une centaine de mètres plus loin en traversant la Grand Place, se trouve un monument qui a connu bien des mésaventures au cours de son histoire et qui pourtant est toujours là, prêt à accueillir les touristes en quête d’information sur la ville. Il s’agit de l’ancien palais de Lille qui abrite aujourd’hui l’office du tourisme.Ce palais fut construit au XVème siècle par Philippe III le bon, duc de Bourgogne, à l’époque où Lille était rattachée à la maison de Bourgogne (cf. article sur l’histoire de Lille). Mais cet édifice de style gothique fut victime en 1700 d’un premier incendie à l’occasion d’une représentation d’une pièce de théâtre où furent lancés des feux d’artifice qui provoquèrent un vaste incendie, emportant au passage une des ailes du château. Quelques années plus tard en 1756, un second incendie détruisit une autre aile du palais. En 1849, l’édifice fut en partie reconstruit pour servir d’hôtel de ville. Mais là encore la malchance semble s’acharner sur le palais puisqu’il est de nouveau victime des flammes en 1916 pendant l’occupation allemande où un incendie se déclara mystérieusement pendant la nuit, emportant avec lui l’hôtel de ville mais révélant les derniers vestiges de l’ancien palais.
La vielle bourse de Lille
Toujours dans le quartier de la Grand Place, un autre bâtiment attire l’attention des visiteurs. Quel est cet endroit dont semble émaner une étrange agitation? Et lorsque l’on s’approche pour en savoir plus, impossible de ne pas s’étonner en voyant sur la façade du bâtiment plusieurs blasons dont un en particulier semble bien familier avec ses couleurs bleues et blanches. Il s’agit en effet ni plus ni moins du logo de EDF ! que fait-il là ? Quel est donc cet endroit ?
Il s’agit de la « vielle bourse » de Lille construite en 1651 par l’architecte Julien Destrée suite à la demande des marchands lillois auprès du roi Philippe IV d’Espagne afin de pouvoir mener leur transaction dans un lieu digne de ce nom et à l’abri des intempéries (ce qui explique également la présence des armoiries de la couronne d’Espagne). Ce lieu de négoce en forme de quadrilatère est composé de 24 maisons toutes symétriques et de la même hauteur, est un parfait exemple de l’architecture flamande.
En 1986, des travaux de restauration redonnent à l’édifice toute sa flamboyance passée. Ces travaux seront financés par plusieurs entreprises et collectivités locales, ce qui explique la présence des blasons ornés des logos de ces sociétés.
A l’intérieur, la cour des « Transactions » accueille aujourd’hui bouquinistes, joueurs d’échec, de temps en temps des cours de tango et bien sûr de nombreux curieux qui se sont laissés charmer par cette ambiance unique.
Traversée du Vieux Lille et des trésors de la rue de la monnaie
Le Vieux Lille, castrum autrefois entouré de fortifications, traversé par un chemin, l’actuelle rue de la Monnaie, et qui abritait la résidence du comte fut massivement restauré dans les années 70 sous l’impulsion de Pierre Mauroy. En plus d’être un des plus beaux quartiers de Lille, le Vieux Lille offre à ses visiteurs des indices éparses de son passé. Et pour en parler, impossible de passer à côté de la rue de la Monnaie, à travers laquelle j’ai choisi de vous parler du Vieux Lille (qui comporte de nombreuses autres richesses que je vous invite à découvrir). Cette rue abrite notamment l’hospice Comtesse mais également les vestiges d’un moulin à eau datant du XIIIème siècle au temps où un canal traversait le quartier, et l’une des plus vielles bâtisse de Lille datant du XVème siècle.
Arrêtons-nous à l’entrée de cette rue de la Monnaie. Sur notre droite, se dresse un étrange mur de brique de couleur rouge qui paraît bien seul dans cette rue animée. En effet, si ce mur est encore percé de trois fenêtres et d’une porte, il ne supporte aucun autre mur et toit. Il s’agit des vestiges d’un ancien moulin à eau appartenant à un groupement industriel remontant au XIIIème. Ce moulin actionné par le canal Saint-Pierre qui traversait alors la rue de la Monnaie, avait été offert par la comtesse Jeanne de Flandre à l’Hospice Comtesse en 1237. Pourtant, si l’on regarde de plus près, on peut voir la date « 1649 » gravée au dessus de la porte.
Cette date laisse penser que le moulin a pu être reconstruit après un incendie. Au niveau de la fenêtre de gauche, on observe le blason des ducs de Bourgogne recouvert par celui de la maison de Flandre. Celui-ci symbolisait la protection de l’Hospice Comtesse et de son complexe par Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Mais un nouvel incendie au XXème siècle eu raison du moulin qui fut quasiment entièrement détruit à l’exception de cette façade restaurée dans les années 80.
Remontons à présent la rue sur quelques mètres pour nous arrêter devant l’Hospice Comtesse.
L’Hospice Comtesse, bâtisse flamande du XIIIème siècle
Cet édifice de style flamand flamboyant fut construit en 1237 par la comtesse Jeanne de Flandre pour le salut de l’âme de son époux, Ferrand de Portugal. L’hospice destiné à accueillir les malades et indigents, est construit dans l’enceinte même du palais de la comtesse. Une église dont il ne reste rien aujourd’hui, fut ensuite édifiée en 1280. Mais décidément le sort s’acharne sur les bâtiments lillois car en 1467, un incendie détruit le bâtiment et la « salle des malades » qui est reconstruite entre 1468 et 1472.
Le bâtiment devint un magnifique exemple de l’architecture flamande de la renaissance.
L’hôpital fut transformé en hospice en 1797 puis en orphelinat en 1939. Situé 32 rue de la monnaie, l’Hospice Comtesse est aujourd’hui devenu un musée où l’on peut notamment admirer l’architecture de la bâtisse, la salle des malades (où l’on aperçoit des niches tout au long des murs qui servaient de tables de chevet) et de nombreuses peintures illustrant l’histoire de Lille.
Quittons à présent cette bâtisse flamande pour nous intéresser à un autre genre d’édifice un peu plus discret mais qui a aussi survécu à des siècles d’histoire. Il s‘agit d’une maison située au 39 rue de la Monnaie datant du XVIème siècle. Elle est la dernière maison en bois de la ville, la pierre ayant remplacé le bois à partir du XVIème pour limiter le risque d’incendie. Restaurée dans les années 90, cette demeure abritait autrefois le greffe des eaux et forêts de la Flandre wallonne.
Enfin, je voudrais vous proposer de finir la visite de cette rue si particulière en vous parlant de la place des oignons. Il faut pour s’y rendre remonter la rue de la monnaie et prendre une petite ruelle située sur la gauche après avoir passé une boulangerie, « Aux merveilleux » (qui comme son nom l’indique est connue pour ses délicieux merveilleux). On débouche alors sur une petite place pleine de charme où l’on peut notamment déguster des spécialités du Nord à l’estaminet « Au Vieux de la Vielle ». Cette place aurait autrefois abrité non loin un ancien donjon, ce qui lui aurait valu son nom actuel. Donjon se traduit en effet par « Dominium » en latin, un nom qui se serait progressivement transformé en « Dominion » puis « des oignons ». Il ne reste malheureusement plus aucune trace de ce passé médiéval et de ses fortifications que l’on doit à présent se contenter d’imaginer.
La Citadelle de Vauban, symbole d’une des plus belles conquêtes de Louis XIV
Le règne de Louis XIV fut marqué par de nombreuses guerres et conquêtes, des plus illustres aux moins connues (cf. article sur l’histoire de Montmélian). Parmi ces conquêtes, se trouvent bien évidemment celle de Lille.
En 1667 Louis XIV se trouve à la tête d’un des plus puissants royaumes d’Europe. Pourtant, l’Espagne constitue toujours une menace pour la France avec ses possessions en Franche-Comté et dans les Flandres. L’objectif du roi est alors de reculer et de renforcer ses frontières au Nord. Or en 1667, le roi d’Espagne Philippe IV, père de Marie-Thérèse d’Autriche l’épouse de Louis XIV, décède. Le roi de France réclame alors certaines provinces espagnoles sur lesquelles la reine avait certes renoncé à ses droits, mais au prix d’une dot qui n’avait jamais été versée. Cette revendication se traduit inévitablement par une guerre contre l’Espagne. Les places fortes espagnoles sont prises une à une : Tournai, Douai, Courtrai en enfin Lille le 28 août 1667. Le traité de paix est signé par l’Espagne le 2 mai 1668 à Aix-la-Chapelle. Seront aussi cédées à la France les villes d’Armentières et de Bergues.
Si les lillois se montrent dans un premiers temps hostiles aux français, les relations finiront par s’améliorer au fil du temps. La politique de Louis XIV y contribua d’ailleurs fortement. Le roi se déplace en effet fréquemment à Lille, y organise de somptueuses fêtes, accorde des privilèges aux notables de la ville. Enfin, sa politique anti-protestante fut fortement appréciée des lillois.
La citadelle de Lille construite en forme « d’étoile » entre 1667 et 1670, est qualifiée par Vauban lui-même de « reine des citadelles », « la plus belle et la plus achevée du royaume »
Les villes prises, Vauban est envoyé par le roi pour assurer leur fortification. La citadelle de Lille construite en forme « d’étoile » en est le plus bel exemple. Bâtie entre 1667 et 1670, elle est qualifiée par Vauban lui-même de « reine des citadelles », « la plus belle et la plus achevée du royaume ». Les remparts de cette reine des citadelles sont disposés en étoile, de manière à ce qu’il soit impossible pour l’ennemi d’approcher un mur sans être exposé aux tirs de ceux qui défendent la citadelle depuis un mur voisin.
Cette citadelle portera aussi les traces et le souvenir de la première guerre mondiale. Un des chemins de promenades dénommé « La voie des combattants » rappelle ainsi la fusillade de nombreux résistants lillois dont Léon Trulin. La citadelle est aujourd’hui devenue un parc très prisé des joggeurs et des promeneurs et abrite également un zoo pour le plus grand plaisir des enfants ! Ainsi s’achève cette visite de Lille, sur la pelouse du parc de la citadelle au pied des remparts érigés sur ordre du roi Soleil qui marqua à tout jamais le destin de la région du Nord !
Si vous souhaitez en savoir plus sur les nombreux lieux historiques de Lille je vous conseille de lire : « Lille secret et insolite » d’Eric Maitrot, éditions Les Beaux Jours
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