Impossible de se plonger dans l’Espagne des Habsbourg sans visiter l’Escorial. Cet incroyable monastère et palais royal du XVIème siècle, classé au patrimoine de l’Unesco, est situé sur un site d’une exceptionnelle beauté où l’on peut apercevoir au loin les montagnes, « La sierra de Madrid » dont le sommet était alors recouvert de neige en ce mois d’avril. Ce monument impressionne autant par sa puissance, la majesté de son architecture, que par le sentiment de sérénité qui s’en dégage.
El Escorial fut construit à quelques kilomètres de Madrid entre 1561 et 1584 par Philippe II, fils de Charles Quint et héritier du royaume d’Espagne, de Naples, de Sicile, de Milan, des Pays-Bas et des Indes. Lieu emblématique du « siècle d’or espagnol », El Escorial avait une double vocation. C’était à la fois un édifice religieux accueillant monastère, couvent, basilique, et un palais royal. Il trouve ses origines dans la volonté de Philippe II de construire un lieu qui lui serve à la fois de retraite spirituelle et qui rende hommage à son père. En construisant l’Escorial et son caveau royal, Philippe II souhaitait ainsi offrir à son père une sépulture digne du grand Charles Quint. Partons à la rencontre de ce monument des Habsbourg hors du commun.
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El Escorial, un lieu de retraite spirituelle et de savoir
Le roi Philippe II d’Espagne souhaitait être au plus près de dieu dans ce monastère. Il y acheva d’ailleurs ses jours à l’âge de 71 ans. L’aura spirituelle voire mythique qui entoure El Escorial s’exprime à même son architecture, sous l’égide de Saint-Laurent figure dominante del Escorial. En effet, le 10 août 1557, Philippe II remporta l’une de ses plus grandes victoires en battant Henri II de France à Saint-Quentin. Une fresque magnifique dans la galerie des batailles illustre d’ailleurs ce succès. Or le 10 août coïncide avec la fête de Saint-Laurent. Le bâtiment structuré autour de cours carrées assemblées en échiquier, rendrait ainsi hommage à Saint-Laurent, martyrisé et condamné à périr brûlé sur un gril, dont l’architecture prendrait la forme.
Toute la spiritualité que le roi a souhaité insuffler à ce lieu, atteint son point d’orgue avec la basilique. Difficile de rester insensible à ses voûtes impressionnantes, son élégante coupole, ses sculptures en bronze, ses magnifiques fresques murales peintes sur la voûte. Philippe II fit appel aux meilleurs architectes de l’époque. C’est finalement Francesco Paciotto qui fut retenu en 1574. La basilique se compose de deux églises, une dédiée au culte populaire et une chapelle royale. La figure de Philippe II est toujours présente en ce lieu. Le cénotaphe de Philippe II représente ainsi le monarque en train de prier, entouré de ses épouses Elisabeth de France, Marie de Portugal, Anne d’Autriche et du prince Charles. La famille fait face à Charles Quint revêtu du manteau impérial, son épouse et ses sœurs. Philippe II avait également fait aménager une ouverture donnant sur la chambre royale, lui permettant ainsi d’écouter la messe depuis son lit où il fut souvent confiné à la fin de sa vie.
Quittons à présent la basilique pour nous diriger vers la bibliothèque, non sans passer par la vaste Cour des Rois. Car si le monastère est un lieu de recueillement pour le roi, il émane également del Escorial une curieuse atmosphère de culture cosmopolite, cristallisée dans la magnifique bibliothèque du palais. Je vous invite à la découvrir virtuellement en cliquant ici (les photos étant interdites à l’intérieur).
Longue de 55 mètres et de 10 mètres de large, cette bibliothèque lumineuse se révèle au yeux du visiteur dans toute sa splendeur. La richesse de sa décoration avec son immense voûte peinte, son sol de marbre en damier et ses boiseries accueillant les précieux ouvrages, témoignent de l’importance que lui accordait Philippe II. Les sept arts libéraux sont représentés sur les peintures. On y voit par exemple la représentation de la philosophie et de la théologie. Comportant plus de 40 000 textes, la bibliothèque étonne par sa diversité. Ainsi, aux ouvrages religieux et littéraires, s’ajoutent 4000 manuscrits arabes apportés sous Philippe III. Plutôt étonnant pour une dynastie très catholique et pas vraiment connue pour son ouverture d’esprit religieuse ! La pièce impressionne également par ses énormes globes terrestres et ses cartes, révélant une autre dimension scientifique de la bibliothèque.
El Escorial, une résidence royale
Passons à présent à la visite de l’Escorial en tant que résidence royale. J’ai curieusement commencé ma visite par le palais des Bourbons, plus récent que les appartements de la dynastie des Habsbourg. La dynastie des Bourbons fut à l’origine de l’agrandissement de la demeure royale. On y fit ainsi construire deux petits pavillons pour le prince et l’infant. Charles III y fit aménager des appartements pour accueillir la famille royale. Les nombreuses tapisseries de la Manufacture Royale de Santa Barbara typiques de l’époque et la décoration des pièces nous transportent facilement au XVIIIème siècle. C’est pourquoi la sensation de faire un bond dans le temps est particulièrement vive, lorsqu’en poussant le battant d’une simple porte, on se retrouve dans le palais des Habsbourg. La différence de décor est frappante. On pénètre dans la galerie des batailles où d’immenses fresques illustrent les victoires glorieuses de la dynastie.
Se trouvent plus loin les chambres royales, dont la chambre de l’infante où l’on peut observer le jardin de la reine depuis les fenêtres. La chambre du roi, dans laquelle Philippe II mourut en 1598, avait été aménagée de manière à ce que le roi, même couché, puisse admirer le paysage à travers deux balcons et écouter la messe dans la basilique grâce à une ouverture donnant sur l’oratoire. Dirigeons-nous à présent vers le caveau royal.
Le caveau royal
En construisant l’Escorial, Philippe II souhaitait aussi offrir une sépulture grandiose à son père Charles Quint et aux futurs rois d’Espagne. Philippe II décédé, ce fut son successeur Philippe III qui entama les travaux du caveau royal. Philippe IV l’acheva. De style baroque et de forme circulaire, le caveau surmonté d’une coupole, contraste avec le style du second caveau qui se trouve quelques mètres plus loin et qui accueillent les infants. Ce second caveau remonte au XIXème siècle. Le caveau des rois impressionne par l’élégance de son architecture, les couleurs à la fois sombres et éclatantes du marbre et du bronze. Les dépouilles des monarques et de leurs épouses (seulement celles qui furent mères de roi), dominent les visiteurs depuis les sarcophages où elles résident. Les corps des reines et des monarques (sauf celui de Charles Quint) ont subi un traitement particulier, ils étaient en effet consumés pendant plusieurs années dans une pièce prévue à cet effet, le pourrissoir…
Je vous propose d’achever cette visite dans les délicieux jardins royaux qui entourent le palais. Si vous avez le temps, n’hésitez pas à aller jusqu’à la maison du Prince qui se trouve à quelques minutes de marche. Cette demeure princière construite sous les Bourbons (cf. ci-dessus) est beaucoup moins fréquentée. Elle est un petit havre de paix qui permettra au visiteur un dernier saut dans le temps au XVIIIème siècle.
Les jardins des moines, amenages a la demande de Philippe II, qui etait un amoureux de la nature, constituent un lieu ideal pour le repos et la meditation. Manuel Azana, qui etudia dans le college des Augustins de ce monastere, les cite dans ses San Lorenzo de El Escorial : l’autre commune, encore appele « l’Escurial d’en-haut ».