En route vers le cœur historique de Carcassonne. Derrière les hautes murailles encerclant la vieille ville, pointent les toits oranges et bleus des 52 tours de défense restaurées par Viollet le Duc au XIXème siècle. Dominant la rivière de l’Aude, la ville fortifiée de Carcassonne et son château s’imposent au visiteur telle une forteresse imprenable. Elle est pourtant bel et bien prise d’assaut chaque année par près de deux millions de visiteurs venus admirer cette formidable ville. A l’intérieur de la cité se mêlent superbes monuments historiques, ruelles médiévales et boutiques à touristes en tout genre donnant parfois le curieux sentiment d’être dans une sorte de Disney Land médiéval. Malgré cet aspect quelque peu artificiel, Carcassonne cache derrière ses murs un riche passé historique notamment marqué par la croisade contre les Cathares qui mit le Midi à feu et à sang au début du XIIIème siècle.
Histoire de Carcassonne jusqu’au XIIIème siècle
Les origines romaines de Carcassonne
Occupé dès le Néolithique, le terrain sur lequel repose aujourd’hui Carcassonne fut, tout comme sa voisine Albi, romanisé. Selon les indices mis au jour par l’archéologie, une petite ville commerçante se serait ainsi développée pendant la période de l’occupation romaine. La fondation de la colonie de Narbonne remonte à 118 avant J.C. par Cneius Domitius Aenobarbus et Licinius Crassus. Elle répondait notamment à la volonté d’implanter un centre économique permettant les échanges de matières premières entre la Gaule et l’Italie. Les commerçants romains avaient ainsi précédé les légionnaires dans cette région. La future Carcassonne fut englobée dans le territoire de la colonie de Narbonne. Elle aurait été évoquée pour la première fois dans un texte de Cicéron datant d’environ 70 avant J.C. Un plaidoyer de l’avocat romain y aurait été écrit pour la défense du préteur Fonteius accusé de percevoir des taxes trop élevées sur les vins commercialisés dans la Narbonnaise. Est évoqué dans ce texte le nom de Vulchalone qui pourrait être une déformation de Carcassonne, hypothèse émise par Monseigneur Elie Griffe, ancien président de la Société des Arts et des Sciences.
Vers 27 avant notre ère, est fondée la colonie romaine de Julia Carcaso. Elle est mentionnée par Pline l’Ancien dans « Historia Naturalis » sous l’appellation de « Carcaso Volcarum Tectosagum ». Sont édifiés différents bâtiments marquant le début d’un développement urbain. On ainsi été retrouvés des fragment de mosaïques dans le château de Carcassonne. Peu de détails nous sont parvenus sur le passé romain de Carcassonne. il semblerait néanmoins que la cité ait fait les frais au IIIème siècle de la fin de la Pax Romana, de l’émiettement du pouvoir et qu’elle fut livrée à une insécurité croissante. Cette époque fut ainsi marquée par deux invasions barbares en Gaule avec les Alamans en 257 et les Germains en 275. Devant cette menace, nombreuses furent les villes à s’entourer d’une enceinte fortifiée au IIIème et IVème siècle (à commencer par la ville de Paris, cf. post sur le Paris gallo-romain). Il semblerait que Carcassonne se soit également protégée par l’édification d’une muraille. Une enceinte qui n’avait sans doute pas grand chose à voir avec celle que l’on peut aujourd’hui admirer et qui a été essentiellement réaménagée au Moyen-Âge. Certains tronçons de remparts et de tours s’apparentent néanmoins aux constructions gallo-romaines typiques de l’époque. Certaines tours se démarquent ainsi par leur aspect en forme de fer à cheval (semi-circulaires vers l’extérieur et plate à l’intérieur). Ces tours étaient reliées par un chemin de ronde et pouvaient atteindre jusqu’à 13 à 14 mètres de hauteur. La date de cette enceinte n’est pas clairement déterminée par les historiens. Elle pourrait dater de la fin du IIIème ou du début du IVème siècle.
Carcassonne et les invasions Wisigoths
Au Vème siècle, la ville fut également menacée par les invasions des Wisigoths et il se pourrait qu’elle ait été successivement occupée par l’armée romaine et celle des Wisigoths entre 413 et 435. A la suite d’un traité de paix signé entre l’Empereur Valentinien et le roi Wisigoth Théodoric Ier, Carcassonne tomba sous le contrôle des Wisigoths vers 439. La ville devint alors l’une des cités de la Septimanie wisigothique. Mais le royaume Wisigoth se disloqua au début du VIème siècle, une régression notamment due à l’avancée des Francs qui envahirent l’Aquitaine. Les Francs tentèrent à plusieurs reprises de s’emparer de Carcassonne. La ville restée sous le contrôle du royaume wisigoth connut ensuite deux siècles d’instabilité. Elle fut également marquée au VIème et VIIème siècle par la christianisation. Un diocèse de Carcassonne fut d’ailleurs crée au VIème siècle. Les incursions arabes dans le Sud de la France achevèrent d’affaiblir le royaume wisigoth qui s’effondra. En 725, le Wali d’Andalousie, dirigeant de la province, s’empara de Carcassonne. Cette domination ne fut pas longue. A la fin du VIIIème siècle, l’armée de Charlemagne et de son fils Louis le Pieux chassèrent les Sarrasins de la Septimanie. Une nouvelle page d’histoire s’ouvrit pour Carcassonne.
Les premiers comtes de Carcassonne émergèrent au IXème siècle à la faveur de la dégradation du pouvoir royal des rois Carolingiens qui s’accéléra après la mort de Charles le Chauve en 877. Le pouvoir comtal s’affirma et des alliances avec les comtes de Barcelone situés de l’autre côté des Pyrénées se formèrent. Oliba, issu des Guilhem de Toulouse, serait l’une des premières figures représentant une véritable dynastie comtale dominant le Carcassès et le Razès (territoires situés dans l’Aude actuelle). Au Xème siècle, une autre famille domine la région, il s’agit des Comminges-Couserans dont le territoire s’étend jusqu’à Béziers et Agde.
Carcassonne et les vicomtes Trencavel
En 1067, le comte de Carcassonne Roger meurt sans héritier. Une opportunité pour le comte de Barcelone, Raymond Berenger Ier, de faire main basse sur le Languedoc. Il acheta la ville de Carcassonne pour 5000 onces d’or. Cette domination de Barcelone fut cependant de courte durée. Victimes d’assassinats, les membres de la famille comtale durent faire face à un climat politique et économique tendu. Raymond Bérenger Ier mourut en 1076. Une opportunité pour Bernard Aton, fils de Raymond Bernard Trencavel et d’Ermengarde sœur de Roger, de s’emparer à son tour de la cité et du titre de vicomte. Les Trencavel (signifiant « tranche bien » en langue d’Oc) étaient devenus une puissante famille de seigneurs par l’étendue de leurs possessions et grâce aux alliances contractées par les mariages. Bernard Aton Trencavel se retrouva alors à la tête d’un vaste territoire comprenant les vicomtés d’Albi, Nîmes, Carcassonne, Razès, Béziers et Agde.
Devenu Vicomte de Carcassonne, Bernat Aton chercha appui auprès du comte de Toulouse et du roi Alphonse Ier d’Aragon, dont il devint les vassaux. Une protection d’autant plus recherchée que les habitants de la cité acceptaient mal ce nouveau dirigeant lui préférant les seigneurs catalans. Ils se révoltèrent en 1107. Avec l’appui du comte de Toulouse, Bernard Aton assiégea Carcassonne et reprit la ville. La répression fut sanglante. La rébellion reprit de plus bel en 1120. Un affrontement qui dura quatre ans. Le comte parvint à remettre la main sur la cité, toujours avec l’appui de Toulouse. Il entreprit alors de confisquer les domaines aux nobles récalcitrants pour les distribuer à ses fidèles. Bernard Aton entreprit de construire à partir de 1120 le château de Carcassonne qui devint la résidence des seigneurs de Carcassonne. L’épaisseur des murs et la présence d’un crénelage atteste de la fonction également défensive du château. Vers 1161, Raymond Ier Trencavel fit édifier la chapelle castrale.
La cité de Carcassonne se développa économiquement tout au long du XIIème siècle. Un essor économique favorisé par les Trencavel qui accordèrent par exemple en 1192 une charte de coutume et de liberté aux bourgeois. Carcassonne devint un lieu d’échanges marchands essentiel où se mêlaient commerçants du Midi, Espagnols ou Italiens. S’y déroulait deux foires annuelles au printemps et à l’automne. Mais malgré cet essor, la vicomté de Trencavel restait prise entre le royaume d’Aragon et le comté de Toulouse. Les Trencavel s’efforcèrent ainsi de maintenir un équilibre entre les deux puissances.
Au XIIème siècle, le pays d’Oc était en effet fortement marqué par les rivalités entre le comté de Toulouse, la vicomté de Béziers, Carcassonne, Albi (sous la domination des Trencavel) et le royaume d’Aragon (le comte de Barcelone est devenu en 1137 roi d’Aragon). Au début du XIIème siècle, le comte de Toulouse Raymond IV (1088-1105) possédait une partie de la Provence, le Rouergue et le Narbonnais (correspondant aujourd’hui approximativement au département de l’Aveyron). Au cours de différents affrontements, le comté de Toulouse perdit plusieurs de ses territoires si bien qu’au XIIIème siècle, le roi Pierre II d’Aragon était le suzerain des vicomtés de Carcassonne et de Narbonne. Egalement en conflit avec le vicomte Trencavel, le comte Raymond V chercha à se rapprocher du roi de France et d’obtenir sa protection en épousant Constance, la sœur du roi Louis VII. De leur côté, les Trencavel cherchèrent à se rapprocher des rois d’Aragon pour s’émanciper de la tutelle toulousaine tout en maintenant un semblant d’entente avec Toulouse. En 1171, Roger II de Trencavel épousa ainsi Adelaïs, comtesse de Toulouse. Ils eurent ensemble un fils, le futur vicomte Raymond-Roger Trencavel. Malgré cette alliance, les deux dynasties continuèrent à s’opposer à travers différents conflits armés. C’est dans ce contexte politique que se développa à partir du XIème et XIIème une nouvelle religion, le catharisme.
La croisade contre les Cathares au XIIIème siècle
L’essor de la religion cathare
Le fondement de cette nouvelle religion repose sur l’idée que dieu, infiniment bon, ne peut être à l’origine du mal qui pullule sur terre. Le dogme est donc basé sur le dualisme, une opposition entre Dieu et le monde terrestre qui est le fait du dieu mauvais, Lucifer (en savoir plus sur la religion cathare et la croisade albigeoise en cliquant ici et vous référant aux lectures indiquées à la fin du post). Les Cathares aspiraient à une simplicité et un ascétisme dont l’Eglise catholique s’était fortement éloignée. Cette nouvelle église devint de plus en plus populaire auprès du peuple et des seigneurs locaux qui soutiennent le mouvement. Ne reconnaissait pas l’autorité du pape et mettant progressivement en place ses propres structures, elle prit rapidement la forme de contre-église. Remettant en cause les fondements et l’existence même de l’Eglise de Rome, le catharisme représentait une sérieuse menace pour la papauté et les prélats. De nombreuses missions furent menées dans le Midi pour contrer l’hérésie mais ne rencontrèrent pas le succès escompté. En 1198, le Pape Innocent III monta sur le trône de Saint-Pierre. Déterminé à mettre fin à cette « hérésie » qui menaçait l’Eglise catholique, il exorta le roi de France Philippe Auguste à mener une croisade dans le Midi, appel auquel le souverain refusa de répondre. Il interdit à ses barons de se croiser. Le pape lui envoya deux nouvelles missives en 1205 et 1207, sans succès.
L’appel à la croisade contre les Cathares
Un événement marqua cependant un véritable tournant dans la lutte contre le catharisme. Légat du pape, Pierre de Castelnau rencontra le 13 janvier 1208 Raymond VI le comte de Toulouse, qui jugé trop peu enclin à combattre l’hérésie avait par conséquent été excommunié par le Pape. Mais la rencontre fut plutôt tendue, Raymond VI ne semblant pas vouloir donner de sérieux engagements dans la lutte contre les Cathares. Le lendemain de la rencontre, Pierre de Castelnau fut assassiné sur la route par un écuyer de la suite du comte. Ce meurtre fut vécu comme une véritable trahison par le pape qui réagit en jetant l’anathème sur Raymond VI. Si l’excommunication est réversible, ce n’est pas le cas de l’anathème qui délie par ailleurs les serments de fidélité faits au comte par ses vassaux. Ce meurtre tombait également à point nommé pour relancer l’appel à la croisade. Le pape Innocent III appela donc à la croisade contre les « hérétiques ». Appuyé par les grands barons et le haut clergé du royaume de France, Innocent III imposa la volonté au roi de France. Si Philippe Auguste refusa de se croiser il autorisa en revanche ses vassaux, pressés de conquérir de nouveaux territoires et de faire absoudre leurs pêchés par le pape, à participer à la croisade. Ce fut le début d’un affrontement qui mettra bientôt le midi à feu et à sang.
La conquête du Midi par les croisés
L’armée des croisés se mit en marche au mois de juillet 1209. Acculé et pour tenter de sauver ses territoires, le comte de Toulouse se soumit et rejoint l’armée des croisés à Valence. Le comte de Toulouse leur étant acquis, les croisés dirigés par le légat Arnaud Amaury, se tournèrent alors vers les vicomtés de Raymond-Roger Trencavel à qui l’on reproche par ailleurs de ne pas avoir lutté contre le catharisme. Contrairement au comte de Toulouse, le vicomte Raymond-Roger Trencavel, jeune héritier de Roger II Trencavel et d’Adélaïs de Toulouse, refusa de se soumettre et de livrer son peuple et les hérétiques aux croisés.
La première ville à subir le sort des croisés fut Béziers. La ville fut assiégée par les croisés. Ces derniers profitèrent d’une sortie de quelques Biterrois indisciplinés venus provoquer les assiégeants, pour pénétrer dans la ville. Des mercenaires parvinrent en effet à passer les portes avant qu’elles ne soient refermées. La ville fut incendiée, ses habitants massacrés. La destruction de la ville provoqua un mouvement de panique parmi les habitants de la région ce qui facilita l’avancée de l’armée croisée qui s’empara de nombreux châteaux. Le 1er août, une armée de 5000 à 6000 combattants (comprenant des chevaliers mais aussi des « routiers », pillards désireux de mettre à sac la ville) était aux pieds de Carcassonne.
Raymond-Roger Trencavel, figure héroïque du siège de Carcassonne
Le vicomte Raymond-Roger Trencavel avait préparé la défense de la ville. Malgré tout, les attaquants prirent rapidement l’avantage sur les assiégés. Dès le 3 août, les croisés s’emparèrent du bourg Saint-Vincent et contrôlèrent les points d’eau situés à l’extérieur de la cité. Entre le 4 et 6 août, le roi Pierre II d’Aragon fit une tentative de médiation. Mais les croisés ne se montrèrent pas très offrant, proposant au vicomte de sortir de la cité accompagné de 11 hommes de son choix tandis que la ville et sa population serait livrés aux croisés. Les conditions furent donc refusées par Raymond-Roger Trencavel. Attaquées à coup de catapultes, les murailles furent progressivement ouvertes. A l’intérieur de la cité, les habitants souffraient du manque d’eau et de la forte chaleur du mois d’août.
Le 15 août Raymond-Roger Trencavel se rendit au camps des croisés pour tenter de négocier des conditions de paix. Ce qui se passa alors demeure assez obscur. Le vicomte se serait livré aux croisés, obtenant en échange que les habitants de la cité gardent la vie sauve. Le 15 août les croisés pénètrent dans la cité. Les habitants furent chassés, sommés de laisser tous leurs biens sur place jusqu’à leurs vêtements puisque les femmes durent quitter la ville en chemise et les hommes en brais. Raymond-Roger fut jeté au fond d’un cachot et mourut trois mois plus tard, le 10 novembre 1209, vraisemblablement d’une dysenterie ou empoisonné selon les rumeurs. Son fils Raymond alors âgé de deux ans, avait été confié au comte de Foix pour le mettre hors de la portée des croisés.
Le légat Arnaud Amaury désigna pour succéder au vicomte, Simon de Montfort, un baron d’île-de-France, bras armé de la papauté. Simon de Montfort connut de nombreux succès militaires et jeta son dévolu sur le comté de Toulouse. Vaincu lors de la bataille de Muret le 12 septembre 1213, le comte de Toulouse Raymond VI dut partir se réfugier en Angleterre. En 1215, lors du concile de Latran, la décision fut prise de déposséder le comte de Toulouse de ses terres qui furent attribués à Simon de Montfort. La croisade était bel et bien devenue une guerre de conquête.
La reprise des hostilités par le comte de Toulouse
Le comte de Toulouse n’avait pas dit son dernier mot. Il revint dans le Midi accompagné de son fils en 1216. Appuyés par les comtes de Foix et de Comminges, le jeune comte parvint à reprendre Toulouse. Simon de Monfort assiégea la ville mais il fut tué en recevant une pierre sur son heaume. Sa mort entraîna la débandade de son armée. Son fils Amaury de Montfort qui lui succéda essaya de reprendre la ville de Toulouse mais cette tentative se solda par un échec. Il perdit peu à peu des territoires gagnées face à la reconquête menée par Raymond VI et son fils. Le prince Louis, futur Louis VIII, décida de se croiser et rejoint Amaury de Montfort en 1219. Il levèrent le siège devant Toulouse mais se heurtèrent à la résistance des Toulousains. En 1222, le jeune comte devient le comte Raymond VII de Toulouse à la mort de son père. Amaury de Montfort assiégé dut capituler le 14 janvier 1223. Il quitta le Midi emportant avec lui les restes de son père. Fort de sa victoire, Raymond VII remit au fils de Raymond-Roger Trencavel ses possessions, dont Carcassonne. Les Cathares firent peu à peu leur réapparition.
La fin de la croisade et l’inquisition contre les Cathares
Alerté le pape appela le roi Louis VIII à une seconde croisade. Coup de théâtre, le comte de Toulouse Raymond VII craignant un nouvel envahissement se soumit au pape. Raymond Trencavel se joignit également à la promesse de tout faire pour rétablir l’Eglise catholique romaine dans le Midi. Un concile se tint à Bourges en 1225 opposant Raymond VII et Amaury de Montfort qui n’avait pas l’intention de voir le comte de Toulouse s’en sortir si facilement en se contentant de faire amende honorable. Le concile ne tourna pas en la faveur du comte de Toulouse dont les offres et les engagements à rétablir la « vraie foi » étaient jugées insuffisantes. Raymond VII fut excommunié et ses domaines furent attribués au roi de France, Louis VIII, qui prit la croix. Inquiets de l’avancée royale, les seigneurs locaux s’inclinèrent un à un. Carcassonne se soumit le 26 juillet 1226. Louis VIII reçut les clés de la ville. Peu après, l’acte de serment de fidélité au roi fut rédigé. Raymond Trencavel partit se réfugier dans le royaume d’Aragon. En 1226 Louis XIII, malade, décéda. Il laissa le royaume de France entre les mains d’un enfant de 12 ans, le futur Saint-Louis. Sa mère Blanche de Castille assurait la régence.
Au terme de trois nouvelles années d’affrontement, un accord fut enfin trouvé lors d’une assemblée organisée à Meaux en 1229. Raymond VII se présenta le 12 avril 1229 à Notre-Dame de Paris devant Louis IX. Il jura de tenir tous les accords établis à Meaux, impliquant la soumission totale du comte de Toulouse au roi de France et sa fidélité absolue à l’Eglise. Absous, il pu être réintégré à la communauté de l’Eglise. Cet événement signe la fin de la croisade. Par ces accords, Raymond VII devait s’engager à combattre les Cathares, à défendre l’Eglise et à lui restituer ses biens. Enfin, le comte de Toulouse était dans l’obligation de prendre la croix pendant cinq ans et de servir en terre sainte. Le comte perdit par ailleurs une partie de ses territoires et s’était engagé à détruire les fortifications de ses places fortes, à commencer par celle de Toulouse. Le traité prévoyait également qu’à la mort de Jeanne, fille du comte, le comté devait revenir au roi de France. Enfin, le traité eut aussi pour conséquence d’évincer le jeune Raymond Trencavel, ses terres étant remises au roi.
Carcassonne après la croisade
Carcassonne et une bonne partie du Midi étaient ainsi tombées sous le pouvoir du roi qui mit en place des sénéchaussées pour contrôler les nouveaux territoires. Les deux sénéchaussées mises en place avaient pour chefs-lieux Beaucaire et Carcassonne. De grands travaux furent entrepris dans le château comtal. Il est probable que fut construite à ce moment là la grande enceinte fortifiée. Ce chantier aurait couvert la période de 1226 à 1245. Le palais fut progressivement transformé en citadelle. Le pays demeurait en effet hostile aux conquérants et la nécessité de mettre en place des défenses s’imposait.
L’insurrection de Raymond II Trencavel
Raymond, le fils de Raymond-Roger Trencavel mort à Carcassonne, s’était réfugié à la cour du roi Jacques d’Aragon. Évincé par le traité de Meaux, Raymond Trencavel tenta le tout pour le tout. Il lança un appel à l’insurrection en 1240 et parvint à rassembler une armée. Il trouva l’appui des comtes de Comminges et de Foix. D’autres seigneurs mis à mal par la croisade le rejoignirent. Parmi eux se trouvaient Olivier de Termes, Jourdain de Saissac, Guiraut d’Aniort. Victorieux dans un premier temps (s’emparant des châteaux de Montréal, Limoux, Laurac, Saissac, etc.), il parvint jusqu’à Carcassonne. Le début du siège débuta de 17 septembre et dura 25 jours. Mais la défense de la cité avait été bien préparée par le sénéchal et les réserves de nourriture assurées. Les tentatives de Trencavel de démolition des murailles et de prise d’assaut de la ville furent un échec.
Raymond Trencavel dut se replier et capituler. Il leva le siège le 11 octobre. Ils mit au passage le feu aux maisons du bourg et détruit le couvent des Frères Mineurs. Après ce siège, les murailles qui avaient été endommagées furent reconstruites. Les bourgs situés à l’extérieur des murailles ayant été détruits, le pouvoir royal décida par ailleurs de créer une zone de servitude militaire. Les bourgs jugés trop proches des murailles furent détruits. Une décision d’autant plus motivée par la volonté de punir les habitants qui avaient soutenu Raymond Trencavel lors du siège. Les remparts de la ville furent renforcés au cours des décennies suivantes si bien que Carcassonne était devenue une imposante forteresse. Avec ses remparts plutôt dissuasifs, elle ne fera pas l’objet d’attaques pendant la guerre de Cent ans opposant le royaume de France à l’Angleterre.
La fin des vicomtes Trencavel
En 1246, Raymond Trencavel renonça officiellement à ses terres au cours d’une cérémonie à Paris. Il brisa devant le souverain son sceau de vicomte. S’ensuivit le pardon du roi accordé aux habitants de Carcassonne. L’inquisition mise en place en 1233 par le pape Grégoire IX se poursuivit jusqu’au début du XIVème siècle où les cathares disparurent définitivement. A Carcassonne fut édifiée à l’extérieur des murailles une prison de l’inquisition à destination des « hérétiques ». Avec la mort de Jeanne, fille et héritière de Raymond VII, le comté de Toulouse tomba entre les mains du pouvoir royal. Comtes de Toulouse et dynastie des Trencavel, principales puissances du Midi, disparurent ainsi avec cette croisade menée contre des Chrétiens, devenue une guerre de conquête et renforçant le pouvoir royal.
Tombée sous l’autorité du roi de France, Carcassonne devint une ville frontière clé entre le royaume de France et le royaume d’Aragon. La cité vit alors au rythme des invasions. Ville forteresse dont le développement était essentiellement militaire, elle se vida peu à peu de ses élites. Son rôle ecclésiastique se développa néanmoins autour de la Cathédrale de Saint-Nazaire.
Au XVIIème siècle, avec le déplacement de la frontière avec l’Espagne, Carcassonne perdit son rôle de place forte et son importance militaire. Les murailles furent de moins en moins entretenues et tombèrent progressivement en ruines. Des maisons se construisirent le long des murs. Au XVIIIème siècle, c’est une cité en délabrement que visita à plusieurs reprises Prosper Mérimée, inspecteur général du services des Monuments historiques. Des travaux de restaurations furent décidés et confiés à l’architecte Viollet-le-Duc. Dès 1845 les restaurations débutèrent pour la sauvegarde de la cathédrale Saint-Nazaire. Puis suivirent les fortifications aujourd’hui célèbres de Carcassonne. Les tours, les crénelages, les toitures, les courtines, les lices, la barbacane furent restaurés. Au début du XXème siècle, les maisons qui s’étaient construites le long des lices furent détruites. C’est ainsi que fut façonnée la nouvelle Carcassonne que nous pouvons aujourd’hui admirer. Si les choix de restaurations de Viollet-le-Dic furent contestés par plusieurs de ses détracteurs, il est en revanche certain que l’architecte nous a laissé une cité flamboyante, invitant le visiteur à plonger dans son passé riche et mouvementé.
Pour en savoir plus je vous conseille de lire :
« Carcassonne, la cité dans l’histoire », Jean Blanc, Claude-Marie Robion et Philippe Satgé, Collection des pierres & des hommes, Editions Christian Salès, 2014
« La croisade albigeoise – la lutte contre les Cathares » – François de Lannoy – Editions Ouest-France
« Les Cathares, pauvres du Christ ou apôtres de Satan ? « , Anne Brenon, Découvertes Gallimard religions
« Les Cathares sont pressés d’en finir ! », Anne Brenon, Historia n°792, décembre 2012
« Carcassonne : deux coeurs pour une seule cité », Victor Battaggion, Historia n°769, janvier 2011
« Histoire de France en 2000 dates », Philippe Valode, Place des éditeurs, 2011
Je vous conseille également de découvrir l’histoire de la croisade contre les Albigeois à travers la passionnante saga de Bernard Mahoux, « La malédiction des Trencavel ». 7 tomes vous feront découvrir ces événements historiques à travers les récits de la comtesse Adélaïs de Toulouse et de son fils le vicomte Raymond-Roger Trencavel. Bernard Mahoux fait pleinement revivre à travers ces romans palpitants et émouvants, les prémices du conflit et la croisade contre les Cathares, le tout dans un cadre historique respecté.
J’ai trouvé ton article vraiment passionnant… Un vrai plaisir à lire…
Magnifique à revoir, ayant visité cette superbe forteresse il y a bien longtemps, l’envie de me remettre en mémoire ce que je me souvenais j’ai eu un très réel plaisir en relisant les détails sur cette très ancienne cité .
Merci pour ce beau voyage historique.
Lise56