Sous les pavés la plage ? Peut-être, mais c’est surtout 2000 ans d’histoire qui se cachent dans le sous-sol parisien dont certains vestiges nous sont parvenus, mis au jour à l‘occasion des travaux dirigés par le baron Haussman sous Napoléon III. D’autres démolitions et constructions au cours des siècles qui suivirent, révélèrent à leur tour un passé antique jusque là oublié. Parmi les vestiges que nous pouvons aujourd’hui contempler, se trouvent notamment les thermes romaines du quartier de Saint-Michel, les arènes de Lutèce situées rue Monge ou encore la crypte du parvis de Notre Dame qui abrite entre autres, des restes de murs fortifiés érigés lors des premières invasions « barbares » à la fin du IIIème siècle après J.C.
L’histoire de la Lutèce gallo-romaine débute dans les années 50 avant J.C. En 52 avant J.C. suite au soulèvement de la petite ville contre Jules César, Lutèce est écrasée par l’armée romaine et incendiée par les Gaulois eux-mêmes, préférant la détruire plutôt que de la voir tomber aux mains des Romains. Elle sera reconstruite par les Romains sur ce qui deviendra un jour l’île de la cité. La ville connaîtra ensuite la paix romaine, la fameuse « pax romana » pendant trois siècles jusqu’aux invasions germaniques. Cette ville de marchands et de négociants possède peu d’autonomie face à la nouvelle autorité romaine. Pourtant, l’adoption par ses habitants, les Parisii, de cette vie romaine, semble s’être déroulée sans encombres. Lutèce, où jusqu’à présent les habitants vivaient retranchés sur les îles de la Seine, se construit et se développe autour de l’actuelle montagne Sainte-Geneviève. Plusieurs bâtiments romains voient le jour à commencer par un forum, centre commercial de la ville, un temple dédié à Jupiter, des termes, des aqueducs, des arènes etc.
Les arènes de Lutèce
Les arènes, mes pas me conduisent dans un premier vers ces vestiges gallo-romains probablement construits au Ier siècle après J.C, un peu à l’écart de la ville. Les arènes sont aujourd’hui devenues une aire de jeux. Bien que la majeure partie de l’édifice n’a malheureusement pas pu être conservée, ces vestiges nous donnent un bel aperçu de ce à quoi pouvaient ressembler ce lieu de divertissement où s’affrontaient gladiateurs, hommes et bêtes sauvages mais où se jouaient également des représentations théâtrales, de mimes, de chant et de danse. On peut encore apercevoir des carcères délimitées par des barreaux, des petits espaces qui servaient probablement à garder les animaux ou les gladiateurs avant d’entrer dans l’arène. Détruites au IIIème siècle lors des invasions germaniques, les arènes, comme beaucoup d’autres bâtiments, finirent peu à peu par disparaître. Enfouies pendant des siècles sous le sous-sol de Paris, elles voient de nouveau le jour en 1869 lors des percements de la rue Monge. C’est la partie nord qui est dans un premier temps découverte, puis en 1883 sera à son tour mise au jour la partie sud.
Les arènes manquèrent de disparaître en raison de la construction d’un dépôt de tramways. Une voix se fait alors entendre, celle de Victor Hugo qui adressa une missive au président du conseil municipal dans laquelle il le pria de sauver les vestiges
Mais le bâtiment est de nouveau menacé et manque de disparaître en raison de la construction d’un dépôt de tramways par la compagnie générale des omnibus, la municipalité se souciant alors peu de ruines antiques à un moment où la priorité est donnée à la modernisation de Paris. Une voix se fait alors entendre, celle de Victor Hugo qui adressa une missive au président du conseil municipal dans laquelle il le pria de sauver les vestiges : « il n’est pas possible que Paris, la ville de l’avenir, renonce à la preuve vivante qu’elle a été la ville du passé. Le passé amène l’avenir. Les arènes sont l‘antique marque de la grande ville, elles sont un moment unique. Le conseil municipal qui les détruirait, se détruirait en quelque sorte lui-même. ». Les arènes furent sauvées et inscrites aux monuments historiques.
Plus tard en 1918, l’architecte Jean Camile Formigé réalisa une étude des arènes en se basant sur les mesures d’autres amphithéâtres romains. En combinant ces données avec celles des vestiges, il en déduisit que les arènes mesuraient près de 135 mètres de long et comportaient 35 degrés de gradins, faisant de ce vestige l’amphithéâtre le plus grand de Gaule ! Quant aux gradins, ils pouvaient accueillir environ 15 000 personnes. Il semblerait donc qu’au de-là des habitants gaulois et romains de Lutèce, ces arènes s’ouvraient à l’ensemble du territoire des Parisii.
Visite des thermes de Cluny et de la crypte archéologique du parvis de Notre Dame
Ma visite du Paris gallo-romain se poursuit aux thermes de Cluny situées à Saint-Michel (au sein du musée de Cluny). Des trois thermes gallo-romaines qui existaient à Lutèce, elles sont les mieux conservées. Ces bains publics ouverts à tous, étaient un espace de détente où l’on pouvait se retrouver entre amis, et un lieu d’hygiène. On y trouvaient notamment les frigidarium (les bains froids), tepidarium (bains tièdes) et les caldarium (bains chauds). Ces thermes sont l’oeuvre des Romains mais également des Parisii eux-mêmes qui auraient participé à leur construction.
Je me dirige pour finir vers le parvis de Notre Dame où se cache sous les dalles pavées, dans la crypte archéologique, un véritable concentré de 2000 ans d’histoire. Ouverte en 1981, la crypte a été mise au jour lors de fouilles réalisées entre 1965 et 1970. Elle y abrite des vestiges gallo-romains, des restes d’ateliers de poterie mais également les vestiges de la rue Neuve percée à l’occasion de la construction de la cathédrale au XIIème à l’initiative de Maurice de Sully. On y trouve aussi les sous-sols de l’ancienne chapelle de l’hôtel Dieu, les fondations de l’hospice des Enfants-trouvés détruit au XIXème siècle sous Haussmann avec d’autres habitations, donnant naissance au parvis de Notre Dame tel que nous le connaissons aujourd’hui, etc.
Après avoir connu trois siècles de paix romaine, Lutèce doit faire face aux invasions germaniques au cours desquelles seront construits les premiers remparts sur l’île de la cité pour la protéger
Les vestiges d’un ancien port gallo-romain où le bras de la Seine a depuis longtemps été détourné par de nombreux aménagements, attire notre attention. Depuis le quai, on peut apercevoir les restes d’une route élaborée entre le IIème et le IIIème siècle depuis laquelle était approvisionnée la petite ville de Lutèce. On y devine encore des murs, des marches où les pêcheurs déchargeaient il y a plus de 2000 ans leurs marchandises.
On peut un peu plus loin admirer les premiers remparts de la ville construits au IIIème siècle pour la protéger des premières invasions «barbares».
Car après avoir connu trois siècles de paix romaine, Lutèce doit faire face aux invasions germaniques au cours desquelles seront construits les premiers remparts sur l’île de la cité pour la protéger.
Avec l’affaiblissement de l’empire romain, les temples sont alors progressivement démantelés pour renforcer ces remparts. Les murs seront définitivement franchis au Vème par les francs qui feront de Paris leur capitale.
Enfin, parmi les vestiges les plus impressionnants de la crypte, se trouvent les bains publics gallo-romains dans lesquels Romains et Gaulois se rendaient chaque jour pour faire leur toilette.
Seuls quelques vestiges subsistent ainsi de l’ancienne Lutèce gallo-romaine. Mais qui sait, l’antique cité continuera peut-être à nous livrer de nouveaux secrets de son passé au gré de son évolution et de ses transformations.
Si vous souhaitez en savoir plus le sujet je vous conseille de lire le dossier spécial d’Historia (n°789 – septembre 2012) consacré à Lutèce
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