Je vous propose de poursuivre notre voyage à la rencontre des Minoens à travers la visite de trois autres palais minoens : Phaistos, Hagia Triada et Malia. Perdus au milieu des plaines et des collines crétoises ou bien dominant une mer Méditerranée d’un bleu turquoise éclatant, ces trois vestiges archéologiques nous offrent un bel héritage de cette civilisation disparue. Moins connus et moins grands que Cnossos, ces trois palais ont cependant davantage d’authenticité à offrir, ayant moins pâti des restaurations au béton armé du XXème siècle.
Palais de Phaistos
Histoire de Phaistos
Deuxième centre minoen le plus important après Cnossos, le palais de Phaistos a été découvert dans la plaine du Messara dans le sud de la Crète (voir sa localisation ici) il y a une centaine d’années par des archéologues italiens. Le palais présentant beaucoup de similitudes avec celui de Cnossos, l’idée qu’ils furent l’oeuvre d’une seule et même civilisation crétoise s’imposa. Les vestiges retrouvés sur la colline de Phaistos indiquent que le site aurait été occupé dès 4000 avant notre ère au Néolithique. A l’époque des premiers palais (2000-1700 avant J.C.), la population avait atteint un certain niveau de richesse. Le palais de Phaistos fut ainsi probablement construit pour assurer un meilleur contrôle de la fertile plaine du Messara. Il devint un centre politique et administratif.
Tout comme de nombreux palais Minoens, Phaistos fut victime de tremblements de terre. S’ensuivit la période dite des « nouveaux palais » (1700-1400 avant J.C.). Alors qu’à Cnossos, la reconstruction du palais se fit assez rapidement sur les ruines du premier palais, à Phaistos, le nouveau palais n’aurait été reconstruit qu’une fois les vestiges de l’ancien bâtiment enterrés sous une couche de mortier. Les fouilles montrent par ailleurs que cette reconstruction aurait été interrompue. Le centre politique aurait en effet été détourné à Hagia Triada (site minoen situé à seulement 3 kilomètres de Phaistos) au détriment de Phaistos. Le palais d’Hagia Triada aurait été achevé vers 1600 avant J.C. tandis que le nouveau palais de Phaistos n’aurait été terminé qu’au début du XVIème avant notre ère. Malgré sa reconstruction, le palais de Phaistos aurait continué à perdre de son importance par rapport à celui d’Hagia Triada, se cantonnant à un rôle religieux et économique. A l’image des autres palais crétois, le palais de Phaistos fut victime du déclin de la civilisation minoenne à partir de 1400 – 1450 avant notre ère (souvent expliqué par une éruption volcanique cataclysmique sur l’île de Théra – actuelle Santorin – qui aurait été suivie d’un raz-de-marée dévastateur – cf. article sur la Crète et les Minoens).
La ville de Phaistos perdura néanmoins jusqu’à l’époque hellénistique (IIIème – Ier siècle avant J.C.) et gréco-romaine. Ces périodes restent assez floues. Il semblerait en tous cas que des pièces de monnaies aient été frappées à Phaistos puisque l’on y a retrouvé des pièces représentant Europe sur un taureau. Vers 150 avant J.C., Phaistos aurait été définitivement détruite par la ville voisine de Gortyne. Le géographe grec Strabon (64 avant J.C. et 25 après J.C.) témoigne ainsi de cette destruction dans sa « Géographie » (X 4,14 – traduction F. Lasserre, Collection des Universités de France) : « Des trois villes fondées par Minos, la dernière, Phaistos, fut entièrement détruite par les habitants de Gortyne. Elle se trouvait à soixante stades de cette ville, à vingt de la mer et à quarante du mouillage de Matalon. Les auteurs de sa destruction sont devenus les maîtres de son territoire « . A noter que ces références ont notamment permis au britannique Spratt d’identifier le site de Phaistos au XIXème siècle. Ses conclusions furent ensuite confirmées en 1894 par les archéologues italiens F. Halbherr et A. Taramelli.
Des trois villes fondées par Minos, la dernière, Phaistos, fut entièrement détruite par les habitants de Gortyne. Elle se trouvait à soixante stades de cette ville, à vingt de la mer et à quarante du mouillage de Matalon. Les auteurs de sa destruction sont devenus les maîtres de son territoire
Strabon, « Géographie » (X 4,14)
Visite de Phaistos
On arrive sur le site archéologique de Phaistos par un chemin surplombant l’ancien palais nous offrant une superbe vue sur les vestiges. Quelques pins logeant de bruyants grillons abritent les ruines et protègent les visiteurs d’un soleil de plomb. Moins connu et moins prisé par les touristes que le site de Cnossos, Phaistos respire pourtant davantage le calme et l’authenticité, ses vestiges n’ayant pas été autant victimes des restaurations au ciment que le palais de Cnossos. On y voit seulement les consolidations pour empêcher les éboulements des pierres. Les appartements royaux ont quant à eux été restaurés avec du gypse en provenance de la carrière antique d’Hagia Triada (cette pierre utilisée pour la construction des palais minoens adopte un aspect brillant au soleil et devait conférer aux édifices une allure éclatante).
Le site de Phaistos ressemble à première vue à un vaste labyrinthe. Pourtant, tout comme les palais minoens de Cnossos ou de Malia, Phaistos répond à une logique architecturale bien définie (cf. post sur la civilisation minoenne). Alors que l’on arpente les premiers vestiges, on débouche sur une large cour dallée. Il s’agit de la cour haute, dallée à l’époque des premiers palais et traversée par une voix processionnelle qui aurait servi pour les cérémonies religieuses. On peut également voir près de cette cour, les vestiges d’une maison de la période hellénistique (cf. photo ci-dessous). Dans la partie ouest du palais, on peut admirer une autre cour, la cour ouest datant de la période des premiers palais (2000 – 1700 avant J.C.). Elle aurait joué un rôle important dans la vie des habitants de Phaistos avec ses deux voies processionnelles. Elle aurait par ailleurs aussi servi de théâtre où les habitants pouvaient assister à des événements religieux ou à des fêtes.
On trouve également dans la partie ouest du site, trois silos à grains, les koulourès (également identifiés à Cnossos et à Malia – cf. ci-dessous), ainsi que des magasins et des ateliers d’artisans.
On y a retrouvé des « pithoi », ces grandes jarres en terre cuite qui permettait de stocker de l’huile ou du vin. On peut notamment voir à demi cachés sous une dalle de ciment, deux pithois à « panse globulaire », appartenant aux magasins du premier palais. Toujours dans le secteur des magasins, on peut arpenter une allée qui était autrefois le corridor des magasins (cf. photo ci-dessus). Ce corridor donnait sur dix magasins qui comportaient un étage.
Quittons à présent le secteur des magasins pour nous diriger vers ce qui a été identifié par les archéologues comme étant le « mégaron de la reine », soit les appartements royaux. Couverts de plaques de gypse, on peut voir des banquettes en pierre le long des murs. Un puits de lumière venait autrefois éclairer cet espace. Une porte permettait la communication avec le mégaron du roi. On peut également apercevoir un escalier qui menait à l’étage depuis le mégaron du roi et de la reine. Les appartements du roi étaient reliés par une porte au bassin lustral identifiable à son escalier et à son sol couvert de gypse.
Le disque de Phaistos
Pour finir cette visite de Phaistos, je voudrais vous parler du disque de Phaistos. Il s’agit d’un disque en terre cuite retrouvé en 1908 lors de fouilles archéologiques dans une des pièces du palais. Ce disque de 16,5 centimètres de diamètre, comporte des écritures en spirale qui demeurent encore indéchiffrées à ce jour. Il constitue à ce titre un des textes antiques les plus discutés par les chercheurs. Le disque daterait de l’époque des nouveaux palais. Il est composé de 241 signes répartis sur les deux faces du disque et qui s’apparentent à des formes animales et humaines. Récemment, lors d’une conférence donnée en octobre 2014, Gareth Owens, chercheur en linguistique à l’Institut d’enseignement technologique de Crète, et John Coleman, professeur de phonétique à Oxford (Royaume-Uni), ont présenté leur hypothèse sur la signification de ce disque : il s’agirait d’une prière adressée à la déesse mère. Ils auraient en effet identifié le substantif « mère » apparaissant plusieurs fois sur les deux côtés du disque.
Hagia Triada
A trois kilomètres du site archéologique de Phaistos se trouvent les vestiges d’Hagia Triada. Plus reculé et peu visité, le site d’Hagia Triada bénéficie de l’ombre protectrice des arbres et offre un cadre tout à fait séduisant pour partir à la découverte de nouvelles ruines. Hagia Triada doit son nom à un petit village de l’époque de la domination vénitienne de la Crète. L’église qui se trouve tout près des ruines minoennes était d’ailleurs celle du cimetière du village.
Le site d’Hagia Triada fut occupé au début de la période pré-palatiale. Après la destruction des premier palais, le nouveau palais d’Hagia Triada acquit une place de plus en plus importante au détriment du palais de Phaistos (cf. ci-dessus). Hagia Triada serait ainsi devenu un centre politique et administratif clé. De nombreux trésors archéologiques ont été mis au jours sur ce site, qu’il s’agisse de fresques, d’empreintes de sceaux, de céramiques, sarcophage, etc. (cf. article sur la Crète et les Minoens). Vers 1400 avant notre ère, les palais d’Hagia Triada et de Phaistos furent détruits, sans doute victimes d’un cataclysme lié à une éruption volcanique. Hagia Triada sembla cependant survivre à la catastrophe et redevint progressivement le centre de la Messara. Puis, vers 1250 avant notre ère, Hagia Triada déclina et finit par tomber en ruines. Malgré l’importance que semble avoir occupé le site d’Hagia Triada dans le passé, les vestiges qui nous sont aujourd’hui donnés à voir paraissent bien moins étendus que ceux des palais de Cnossos et de Phaistos. Aussi, il est beaucoup plus difficile de s’y repérer et de voir autre chose, pour un oeil profane comme le mien, qu’un ensemble éparse de ruines. On y reconnait néanmoins les vestiges des magasins et des pièces d’apparat (cf. photos ci-dessous).
Palais de Malia
Je dois admettre avoir eu un véritable coup de coeur pour le palais de Malia. Loin de me lasser de cette succession de palais entièrement réduits à l’état de ruines, je me suis au contraire laissée séduire par ces vestiges minoens situé à l’est de l’île de Crète. Il faut dire que ces anciennes pierres ne manquent pas de charme. Entièrement exposées à la luminosité du soleil leur conférant une couleur ocre et dorée, elles nous offrent par ailleurs une superbe vue sur la mer. Certains vestiges attirent l’oeil des visiteurs comme le mystérieux kernos de Malia, une pierre circulaire percée de plusieurs petits trous et dont les chercheurs ignorent encore l’utilité.
Histoire et visite de Malia
Malia est considéré comme étant le troisième palais le plus important de la Crète minoenne. Il n’échappe pas non plus à la mythologie puisqu’y aurait régné Sarpédon, le frère de Minos et de Rhadamanthe (cf. ci-dessus). Le palais de Malia connut deux phases de construction, une à l’époque des premiers palais (2000 à 1700 avant J.C.) et une deuxième à l’époque des nouveaux palais (1700 à 1400 avant J.C.). Comme les autres palais minoens, il fut détruit vers 1400 avant notre ère. Si l’étendue du palais de Malia est similaire à celle de Phaistos (environ 8000 m2), il semblerait en revanche que Malia, palais provincial, n’ait pas bénéficié de la même qualité pour ses matériaux de construction.
Bien qu’il ne soit pas facile de se repérer dans les ruines du palais, on y retrouve les principales caractéristiques des palais minoens (cf. article sur Cnossos) : les magasins, les koulourès (énormes silos à grain), les pithois (grandes jarres pour stocker le vin ou l’huile), etc. On y découvre aussi les appartements royaux, un bassin lustral, une cour dallée traversée par la voie des processions, un large escalier qui aurait aussi servi selon les chercheurs de gradins lors des manifestations religieuses. Un autre escalier qui aurait pu être réservé aux représentations théâtrales fut aussi mis au jour. C’est à cet endroit que fut découvert le kernos de Malia. Cette étrange roue de pierre mesure 90 centimètres de diamètre. Elle comporte 34 petits réceptacles qui entourent un autre trou circulaire plus large et disposé au centre de l’objet. Son usage demeure à ce jour un mystère.
Ainsi s’achève cette visite de la Crète minoenne, dans le modeste mais envoûtant palais de Malia, après avoir successivement parcouru les ruines des palais de Phaistos, Hagia Triada et de l’incontournable Cnossos (que je vous invite à retrouver dans ce post). Si les Minoens me paraissent plus que jamais mystérieux et fascinants, ce voyage m’aura en revanche permis de me rapprocher un peu plus de ce peuple et de découvrir une infime partie de ce qui fut autrefois une grande civilisation.
Pour en savoir plus je vous conseille de lire :
« Phaistos», Antonis Vasilaki, éditions V. Kouvidis – B. Manouras
« La Crète Minoenne, entre le mythe et l’histoire », Litsa I.Hadziphoti, éditions M. Toubis
« Le mystérieux disque de Phaistos enfin déchiffré? », Bernadette Arnaud, 30 novembre 2014, Sciences et avenir.fr
merci beaucoup pour cette évasion en cités minoenne; informatif, pertinent et simple à lire ton écrit est enthousiasmant!
Très intéressant. Merci beaucoup pour cet article.
Je vous recommande, si vous ne l’avez déjà lu, « L’Atlantide n’a jamais disparu » de Giorgos Koukoutias..
Un roman absolument passionnant, fortement en lien avec cette civilisation minoenne..