Fresque du taureau au palais de Cnossos

A la découverte du palais de Cnossos en Crète

Découvert au début du XXème siècle par l’archéologue britannique Arthur John Evans, le palais de Cnossos est sans doute le site archéologique le plus emblématique de la Crète. Réaménagé dans les années 30 sous la directive d’Arthur Evans, le site oscille aujourd’hui entre ruines archéologiques et décor de théâtre où se côtoient murs bétonnés et fresques revisitées. Loin de ce curieux mélange des genres, les palais de Phaistos et de Malia offrent davantage d’authenticité. Au milieu d’un paysage sec et aride, parsemé de quelques rares pins et oliviers, ces palais invitent à se perdre dans leurs vestiges à ciel ouvert, accompagné du son des bruyantes cigales. Je vous propose de partir à leur découverte en commençant par le plus célèbre d’entre eux, le palais de Cnossos.

Le palais de Cnossos fut mis au jour à la fin du XIXème siècle et au début du XXème par l’archéologue Arthur Evans. Il l’attribua dans un premier temps aux rois mycéniens avant de réaliser au cours de ses fouilles qu’il venait de découvrir une autre civilisation, jusqu’alors inconnue. Il la qualifia de « minoenne », en référence au légendaire roi Minos qui aurait régné sur l’île (cf. article sur la Crète au coeur des mythes grecs). Ce lien entre la civilisation crétoise redécouverte et le mythologique roi Minos a par ailleurs été accentué par les nombreuses représentations de taureaux retrouvées sur le site, rappelant la légende du minotaure et du labyrinthe. Bien que le palais soit aujourd’hui réduit à l’état de ruines, l’immensité et la complexité du site nous laissent entrevoir les vestiges d’une civilisation ingénieuse et raffinée.

Palais de Cnossos en Crète
Palais de Cnossos en Crète

La reconstitution du palais de Cnossos

Si Arthur Evans est à l’origine de la découverte d’un des sites minoens les plus importants, il a pourtant été longtemps critiqué pour ses travaux. Interprétations trop rapides ou restaurations approximatives, on a souvent reproché à Arthur Evans de s’être laissé emporter par son imagination et d’avoir réaménagé le site en fonction de ses idéaux. Il est vrai que les couleurs vives des colonnes du palais, les murs grossièrement bétonnés et les fresques entièrement refaites à partir de fragments donnent une impression générale de décor de théâtre. Lors de ses fouilles, Evans comprit la nécessité de protéger les ruines exposées aux éléments naturels. Malheureusement, il utilisa du béton armé et du fer pour ‘restaurer’ le site. En plus de balayer toute authenticité, ces restaurations se détériorèrent plus vite que les ruines elles-mêmes.

Arthur Evans fut également critiqué pour ses interprétations. Face à l’absence de représentations royales claires (de nombreuses fresques semblent représenter des processions religieuses), Arthur Evans créa un « roi-prêtre » minoen. Ce souverain serait doté à la fois de fonction religieuse et politique.

Le prince au fleurs de lys

Evans s’attaqua également à la restauration d’une fresque, aujourd’hui devenue un véritable symbole de la civilisation minoenne. Il s’agit de la fresque du « prince aux fleurs de lys ». Or cette restauration fut vivement critiquée. Restaurée une première fois par Emile Gilliéron en 1926 sous la directive d’Arthur Evans, H.T. Bossert fut l’un des premiers à critiquer la reconstitution. Pour lui, la couronne ornant le crâne du prince identifié par Evans, serait en fait un attribut féminin. On retrouve en effet cette coiffe sur des représentations de femmes ou de griffons.

Par ailleurs, la fresque ayant été reconstituée à partir de seulement trois fragments de stucs peints, on peut légitimement se poser la question de la pertinence d’un tel assemblage. La restauration fut faite en se basant sur l’existence d’autres fresques minoennes. Elle fut ensuite remaniée à diverses occasions par différentes personnes.

D’autres reconstitutions furent proposées au cours du XXème siècle. On y vit successivement la fresque d’une jeune fille pré-pubère, d’un boxeur et du roi Minos lui-même. Quoi qu’il en soit, lorsque l’on contemple la fresque aujourd’hui exposée au musée archéologique d’Héraklion (une copie se trouve également sur le site du palais de Cnossos – cf. image ci-dessous), il parait bien difficile de se faire une idée précise de ce à quoi pouvait réellement ressembler cette fresque dont seuls trois morceaux ont été retrouvés.

Malgré ces incertitudes et ces restaurations critiquées, Cnossos reste une merveille archéologique empreinte de la passion d’un homme qui souhaitait lui redonner vie.

Rapide histoire du site de Cnossos

Copie de la fresque du prince aux fleurs de lys - Palais de Cnossos en Crète
Copie de la fresque du prince aux fleurs de lys – Palais de Cnossos en Crète

Le site de Cnossos fut occupé dès le Néolithique comme l’attestent les vestiges d’habitations mis au jour sous le palais. Le site fut marqué, comme le reste du territoire crétois, par l’âge de bronze avec l’introduction des métaux qui révolutionnèrent la civilisation crétoise. Entre 3300 et 2000 avant notre ère, l’ouverture sur la Méditerranée s’intensifia et contribua à l’importation de métaux comme le cuivre, l’or et l’argent. Cnossos était alors un village qui aurait occupé une superficie d’environ 5 hectares. A la même époque, Phaistos, autre grand palais de Crète, abritait un village d’environ 1 hectare.

S’ensuivit entre environ 2000 et 1700 avant J.C., la période des « premiers palais ». Il en reste peu de vestiges, les « nouveaux » palais de la période néo-palatiale, (1700-1400 avant J.C.) ayant été construits par dessus. Les villes s’organisent alors autour des palais où sont concentrés les pouvoirs religieux, politiques et commerciaux. Des ateliers sont également présents au sein de ces palais comme les ateliers de production de céramique, contribuant au développement de la peinture sur vase. Ces nouveaux palais se caractérisent par des constructions plus hautes et des innovations architecturales et artistiques. Faisant appel à des matériaux comme le gypse, pierre connue pour sa brillance, les nouveaux palais sont plus esthétiques que les précédents. Ils sont par ailleurs ornés de magnifiques peintures murales.

Jarres du palais de Cnossos
Jarres du palais de Cnossos

Le palais de Cnossos était certainement le plus grand des palais crétois, couvrant une superficie d’environ deux hectares. Il se développa autour de deux grandes ailes, l’aile ouest (abritant notamment les magasins où étaient entreposées les grandes jarres contenant huile, vin et céréales) et est (abritant les appartements royaux). La ville se déployait alors autour du palais sur une surface d’environ 75 hectares.

Vers 1450 avant J.C., les palais auraient cependant subi d’importantes destructions. Certains scientifiques y ont vu l’oeuvre de la terrible éruption du volcan situé sur l’île de Thera (aujourd’hui Santorin), vers 1450 avant J.C. (plus récemment datée vers 1620 avant notre ère). Cnossos semble avoir perduré malgré tout. Le palais entre alors dans l’ère « Créto-mycéenne » (1450 – 1370 avant J.C.) marquée par l’influence de la civilisation mycénienne. Les autres centres crétois ayant été détruits, Cnossos a alors pu exercer une domination sur le reste de l’île. Mais le palais finit par être définitivement détruit vers 1370 avant J.C. Incendies, séisme ou bien révolte des Crétois contre un possible pouvoir mycéniens, plusieurs hypothèses ont été avancées. Le palais tomba progressivement en ruines et sombra dans l’oubli.

Vestiges du palais de Cnossos
Vestiges du palais de Cnossos

 

Visite du palais de Cnossos

Le site de Cnossos est si vaste et complexe que je ne m’attarderai ici que sur les vestiges qui m’ont le plus marqué. Les ruines du palais de Cnossos laissent difficilement indifférent, qu’on les admire ou qu’on les trouve décevantes. En pénétrant sur le site archéologique, mon regard fut immédiatement happé par les énormes fosses circulaires de 5 mètres de profondeur situées à l’entrée. Il s’agit de « Koulourès », ainsi nommés ainsi par les ouvriers travaillant pour Arthur Evans. Ils auraient servi selon les archéologues, d’immenses silos à grain alimentant le palais. On retrouve des structures similaires dans les palais de Phaistos et de Malia.

Kouloures du palais de Cnossos
Kouloures du palais de Cnossos

Quelques pas plus loin, on traverse un chemin aménagé qui aurait autrefois servi de « voie de procession ». On débouche alors sur un vaste espace où l’on aperçoit encore les bases de larges colonnes dont la hauteur était estimée à 5,50 mètres. Cet endroit est nommé « propylée ouest » (espace conduisant à un sanctuaire).

Le chemin nommé le « corridor de la procession » était autrefois surmonté d’une fresque représentant une procession d’hommes portant des offrandes, guidés par une femme à la poitrine nue et armée de doubles haches. En empruntant cette voie aujourd’hui à ciel ouvert, on parvient vers la cour centrale dont la partie nord attire l’oeil en raison de la présence d’une copie du célèbre « prince aux fleurs de lys » qui suscita tant de controverses. Je me souviens m’être demandée comment démêler le vrai du faux sur ce site alliant vestiges archéologiques et restaurations proches du décor de cinéma.

Vestiges des appartements royaux du palais de Cnossos
Vestiges des appartements royaux du palais de Cnossos

Une autre partie du palais assez intéressante est la « pièce des copies » abritant comme son nom l’indique des copies de fresques minoennes. On peut notamment y admirer la fresque des « Dames bleues » mettant en scène trois minoennes aux longues chevelures noires et bouclées.

Enfin, je ne peux parler du palais de Cnossos sans évoquer la salle du trône. Avant d’y accéder, il faut passer par une impressionnante cour centrale qui aurait occupé un rôle clé au sein du palais. Disposée au centre du palais, cette cour qui était dallée permettait de distribuer la lumière et de faire circuler l’air dans le palais. Mesurant environ 50 x 25 mètres, la cour aurait pu accueillir des fêtes religieuses, selon les archéologues. A l’ouest de cette cour, se trouve la salle du trône. Protégée du public, on ne peut pas entrer dans la pièce. On peut seulement l’observer de l’autre côté d’une barrière et il faut en général faire la queue pour y accéder. Le trône, construit en albâtre, fut attribué au roi de Cnossos. Sur les fresques, des griffons sans ailes peints sur un fond rouge et blanc cassé, semblent protéger le trône.

Le palais de Cnossos est un site unique et immense qui nous donne un aperçu de ce qui fut autrefois un grand peuple. Quant à ses restaurations, elles font aujourd’hui partie intégrante de l’histoire du site de Cnossos. Néanmoins, pour les visiteurs en mal d’authenticité, d’autres vestiges de palais crétois sauront faire leur bonheur comme les palais de Phaistos, Hagia Triada et Malia.

Je vous invite à en savoir plus sur les Minoens en cliquant ici

Je vous conseille également de lire :

« Cnossos, nouveau guide du palais de Cnossos » – Giorgos Tzorakis, archéologue, Editions Hespéros, Athènes 2008

« La Crète Minoenne, entre le mythe et l’histoire », Litsa I.Hadziphoti, éditions M. Toubis

« Cnossos : Autour du Prince aux fleurs de lys », Esther Wolf, Archéologia n°507, février 2013

Palais de Cnossos
Palais de Cnossos