La Slovénie, un pays qui n’existe officiellement que depuis les années 90. Un petit pays d’environ 20 273 km2 et pourtant un pays plein d’histoire et de richesses naturelles et culturelles qui en font un lieu d’exception. Je vous propose de découvrir en histoire la région de la Haute-Carniole où se dressent les montagnes des Alpes Juliennes et où villes et châteaux médiévaux côtoient de magnifiques paysages. La ville de Bled, son château et son lac, la ville de Skofja Loka, l’une des mieux conservées de Slovénie, celle de Kamnik plus modeste mais tout aussi belle et enfin, la superbe Ljubljana, capitale du pays. Autant d’endroits dont je voudrais brièvement partager l’histoire, mais pas sans un rapide rappel de celle de ce pays méconnu.
Un territoire à l’histoire complexe, habité et partagé par de nombreuses ethnies et empires tout au long de son histoire et marqué par un tracé très récent de ses frontières actuelles.
Le territoire slovène, des Celtes à l’empire romain
Idéalement situé au carrefour des routes connectant les Alpes, la mer adriatique, la plaine de Pannonie, le territoire qui constitue aujourd’hui la Slovénie fut l’objet de convoitises de différents peuples qui furent nombreux à occuper son territoire. Il fut également un point de contact entre différentes cultures, laissant à la Slovénie un héritage culturel pluri-millénaire aussi riche que diversifié. Les premières traces d’habitation de la Slovénie remontent au Neandertal vers 80 000 avant J.C. Il y fut rejoint par Cro-Magnon vers 40 000 avant J.C. Bien plus tard, le territoire de Slovénie était mentionné dans les écrits grecs et romains faisant référence aux routes qui le traversaient et qui furent utilisées bien avant l’arrivée des Romains, par les Étrusques. On trouve parmi ces routes, celle de l’ambre. Vers 400 à 300 avant J.C., les Celtes migrèrent sur le territoire slovène et différentes tribus finirent par former vers 200 avant J.C. le royaume de Norican.
L’histoire de la Slovénie fut également marquée par la présence des Romains attirés par les routes commerciales et la position stratégique du territoire pour la conquête de la région des Alpes. Vers 15 avant J.C., le royaume de Norican fut annexé et les nouveaux territoires furent intégrés à l’empire romain. Le territoire slovène connut un développement considérable sous la période romaine. Les villes étaient connectées par un réseau efficace de routes, chaque cité avait son propre territoire administratif. Le territoire qui correspond aujourd’hui à la Slovénie fut en effet divisé en cinq parties : Tergeste (aujourd’hui Trieste), Emona (Ljubljana, capitale de la Slovénie), Celeia (actuellement Celje), Neviodunum (Drnovo pri Krskem, dans l’est de la Slovénie) et Poetovio (actuellement Ptuj situé dans le nord-est du pays), la plus importante ville romaine identifiée. Les Romains apportèrent également avec eux des innovations agricoles (charrues, assèchement des marécages, régulation du lit des rivières etc.). Mais des événements vinrent perturber cette période de stabilité : les guerres Marcomanes qui opposèrent entre 167 et 180 après J.C, l’empire romain à divers peuples germains dits « barbares », sous le règne de l’empereur Marc-Aurèle. A cela s’ajoutèrent la maladie, des conflits internes suivis de guerres civiles. Au IVème siècle, ces temps incertains furent également marqués par un autre phénomène, le christianisme qui joua un rôle essentiel dans l’histoire de la Slovénie. Devenu religion officielle, certaines villes devinrent le siège de diocèses. S’ensuivit un véritable renouveau architectural.
La Slovénie du Moyen-Âge au XVIIIème siècle
Une nouvelle période de son histoire débute à partir du Vème siècle de notre ère, marquée par l’effondrement progressif des institutions politiques, économiques et sociales du territoire. Cette période fut également celle d’un renouveau ethnique avec l’arrivée des Slaves qui occupèrent le territoire jusqu’au VIIIème siècle environ, avant d’être soumis aux Francs. Les territoires slaves de Carantanie (premier état slave qui s’étend jusqu’à Linz et Vienne) et de Carniole, jusque là indépendants, perdirent leur souveraineté au profit des Francs. C’est le résultat de conflits opposant les Slaves de Carantanie aux Avars, un peuple d’origine turco-mongole qui les menaçait. La pression militaire exercée par ces derniers fut telle que le prince de Carantanie n’eut d’autre choix que de se tourner vers les Francs auxquels le royaume fut assujetti en échange de leur aide. Le territoire fut rattaché à l’empire de Charlemagne en 788. Cette soumission renforça également le processus de christianisation malgré des révoltes du peuple contre la nouvelle religion. Quant à l’indépendance du territoire de Carantanie, un soulèvement avorté en 820 contre l’autorité franque mit définitivement fin au peu de pouvoir qui demeurait avec l’établissement d’une administration franque.
A partir de 820, le territoire fut successivement incorporé à diverses entités politiques : le royaume carolingien, le Saint Empire Romain, le royaume de Hongrie, Venise, l’empire de Napoléon Ier etc. A la fin du XIIIème siècle, le roi Ottokar II Premysl de Bohême occupa la Carinthie, la Carniole et l’Istrie, avant d’être évincé par le roi Rodolphe Ier de Habsbourg. Les Slovènes passèrent ainsi sous la domination des Habsbourg à partir du début du XIVème siècle et le resteront jusqu’en 1918. Entre le XIème et le XVème siècle, plusieurs provinces telles que la Carniole, Celje, l’Istrie, furent formées. Ces provinces étaient autonomes et dirigées par un prince ou par des nobles du territoire, un éparpillement des structures politiques qui entrava la création de centres intérieurs forts. Par ailleurs, au XVIème siècle, le territoire pâtit d’un système agricole peu productif doublé d’une demande grandissante des propriétaires terriens, d’une augmentation des taxes, de l’inflation, d’un commerce rural. Cela conduisit à un mécontentement de la population et qui se traduisit par une série de soulèvements entre le XVIème et XVIIIème siècles (en 1515, 1573, 1635 et 1713).
Au XVIème siècle, le territoire qui était alors toujours sous la coupe des Habsbourg dut faire face à la menace ottomane. Les habitants possédaient cependant un système de défense via des forteresses s’étendant jusqu’à l’actuelle Croatie. Les églises elles-mêmes bénéficièrent de mesures de protection avec l’érection de murs autour d’elles. Tant et si bien qu’à la fin du XVIème siècle, la plupart des ethnies du territoire étaient préservées de la menace ottomane.
Développement du protestantisme et émergence d’une langue slovène
Ce siècle fut également marqué par le développement de la religion protestante à partir des années 1530. Les nouvelles idées religieuses furent particulièrement bien reçues par les nobles et une partie de la classe moyenne. Des penseurs protestants commencèrent à écrire et publier leur travaux dans la lange slovène. Tous ces textes formèrent les bases d’une langue littéraire slovène unifiée. Primoz Trubar, auteur du premier livre écrit en slovène et de nombreux autres écrits religieux, ainsi que d’autres écrivains protestants, contribuèrent à l’établissement de la langue slovène en tant que langue littéraire à part entière. Mais avec l’expulsion des Protestants, les autodafés de livres qui suivirent et l’introduction de contre-réformes religieuses, les provinces slovènes furent violemment reconverties au catholicisme au long du XVIème et XVIIème siècle. L’arrivée des Jésuites, le système d’éducation du clergé et le renouveau artistique baroque qui suivit, encouragèrent une nouvelle dynamique religieuse engendrée par un Catholicisme victorieux. Quant à la langue slovène, elle fut supplantée par l’allemand.
Le XVIIème et XVIIIème siècles furent ceux d’un véritable essor culturel en Slovénie dont un des résultats les plus remarquables fut le magnifique art baroque. Avec ses peintures, sculptures, architectures, l’art baroque apparaît encore dans toute sa splendeur dans de nombreuses villes et églises de la Slovénie (cf. posts sur Skofja Loka et Ljubljana). Des intellectuels commencèrent aussi à concevoir les Slovènes comme une communauté dotée d’une histoire, d’une langue et d’une culture propre, une conception qui risquait cependant de ne pas résister aux bouleversements à venir sur le territoire.
La Slovénie sous Marie-Thérèse d’Autriche au XVIIIème siècle
L’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, mère de Marie-Antoinette, joua un rôle important dans l’histoire de la Slovénie et son développement économique. Elle abolit notamment les charges douanières et rendit accessible l’enseignement à l’ensemble de la population. Dans les écoles, les cours se déroulent en slovène. Enfin, sous son règne fut ouverte la route Vienne-Trieste passant par Ljubljana et qui contribua fortement au développement des échanges commerciaux.
La Slovénie du XIXème siècle à la fin de la Yougoslavie
Le temps des provinces illyriennes sous Napoléon Ier
L’histoire de la Slovénie, alors toujours sous la domination des Habsbourg, fut également forgée par les conquêtes napoléoniennes. En 1805, l’empereur Napoléon Ier entra en guerre avec l’Autriche. Le traité de Vienne signé en 1809 entre les deux empires mit fin aux hostilités. Avec ce traité, l’Autriche devait céder à l’empereur plusieurs territoires : l’Istrie, la Carinthie occidentale, la Croatie et la Carniole (cf. article sur l’histoire de Bled). Ainsi furent formées les provinces Illyriennes. Elles furent cependant de courte durée puisqu’en 1815, avec la chute de l’empire, l’Autriche récupèra ses territoires.
La recherche d’une identité nationale
Le XIXème fut pour la Slovénie celui de la recherche d’une identité nationale d’une communauté vivant encore sous la domination des Habsbourg. Cette crise d’identité atteignit son point d’orgue en 1848 avec la révolution de Vienne, soulèvement de mouvements nationalistes. Des intellectuels réclamèrent alors à l’empire austro-hongrois l’établissement d’un état slovène en tant qu’entité fédérale autonome, un projet qui ne vit jamais le jour. Au début du XXème siècle, un événement dramatique vint bouleverser le sort des Slovènes et de nombreux autres peuples, la Première Guerre Mondiale.
Guerres Mondiales et la formation du Royaume de Yougoslavie
En Slovénie, la guerre fut fortement liée au front Isonzo face à l’Italie, pays frontalier de la Slovénie et qui entra en guerre en 1915. Ce fut un véritable traumatisme, l’armée slovène souffrit non seulement des affrontements mais également de conditions hivernales très dures et du manque de ressources. La fin de la guerre et la victoire des Alliés changea cependant considérablement le destin de la Slovénie puisqu’elles mirent fin à l’empire austro-hongrois et à sa domination de plusieurs siècles sur le pays. Quel avenir alors pour le pays? Un consensus émergea parmi les élites politiques, la création d’un état unique réunissant les nations slaves, qui prendra le nom de royaume de Yougoslavie en 1929. La Slovénie rejoignit pour l’heure le royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Au de-là de la création d’un nouvel état, c’est également une nouvelle expérience politique que vécut la Slovénie en tant qu’entité constitutionnelle parlementaire. Mais la réalité politique du nouveau royaume est marquée par l’instabilité. Systématiquement dissoutes, aucune assemblée ne parvint à durer jusqu’à la fin de son terme. 38 gouvernements se succédèrent entre la première et la seconde Guerre Mondiale. Par ailleurs, le nouvel état de Yougoslavie ne parvint pas à intégrer à l’intérieur de ses frontières l’ensemble de la population slovène. Avec le plébiscite de Carinthie de 1920 et le traité de Rapallo en 1921, les Slovènes de Carinthie et ceux vivant sur le littoral furent exclus de l’état yougoslave.
Suivirent bientôt les prémices de la Seconde Guerre Mondiale, la montée du nazisme, du fascisme en Italie et en Autriche et son annexion par l’Allemagne nazie en 1938, l’Anschluss. Enfin, l’invasion du Royaume de Yougoslavie par les forces de l’Axe en avril 1941 précipita la Slovénie dans le conflit. Les Slovènes furent désormais répartis entre l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie et durent faire face à l’occupation. Un mouvement de résistance organisé par le parti communiste, le front de libération, se mit en place en 1941. A la fin de la guerre, les forces du mouvement de la libération prirent le pouvoir et mirent en place les premières mesures révolutionnaires. Réformes agraires, nationalisation et premières élections en novembre 1945. Une première constitution fut rédigée en 1946 sur le modèle soviétique mais accordant à chaque république le droit d’auto-détermination. La Slovénie, en tant qu’unité fédérale obtint sa première constitution en 1947.
L’éclatement de la Yougoslavie et l’indépendance de la Slovénie
Josip Broz Tito devint l’autorité suprême de la Yougoslavie. Président du nouvel état, responsable du parti communiste, commandant des armées à vie. Tito parvint à assurer une stabilité dans le pays. La réputation dont il jouissait en tant que commandant du mouvement de libération pendant la guerre et sa rupture avec Staline y contribuèrent. Mais son décès en 1980 doublé d’une crise économique et de tensions sociales, endommagea fortement l’équilibre précaire de la région. Suivirent les conflits opposant le Kosovo et les Serbes qui achevèrent les relations entre les républiques et l’effondrement de l’URSS. Plusieurs mouvements d’opposition s’organisèrent en Slovénie et en 1990, 88, 5% des participants répondirent « oui » au référendum sur l’indépendance. Le 25 juin 1991 est déclarée l’indépendance de la République de Slovénie.
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