Fièrement dressé sur une colline rocheuse (le puech de Mordagne), le magnifique village de Cordes sur Ciel invite à une véritable plongée dans l’histoire de la croisade contre les Cathares qui ébranla le Midi au début du XIIIème siècle. Charmant et authentique, Cordes (surnommé « Cordes sur Ciel » par l’écrivaine et poétesse Jeanne Ramel Cals) conserve encore des marques visibles de son passé. Avec ses remparts, ses portes défensives, ses petites rues médiévales mais aussi ses vestiges de la Renaissance, le tout surplombant la superbe campagne du Pays Cordais, ce village est tout simplement une merveille que je vous invite à découvrir.
Les origines de Cordes
Nous sommes en 1222, année de la fondation de Cordes. Depuis plus d’une décennie le Midi est ravagé par une armée de croisés partis combattre des « hérétiques », des Chrétiens adeptes d’une nouvelle foi menaçant sérieusement l’Eglise catholique romaine. Ce sont les « Albigeois » (également surnommés les « bons hommes » ou les « parfaits ») qui seront plus tardivement appelés les « Cathares ». Apparu au XIème siècle, ce mouvement religieux prit un véritable essor au XIIème siècle. Cette croisade menée par les barons du royaume de France suite à un appel lancé par le pape Innocent III en 1209, s’est peu à peu transformée en guerre de conquête. Se trouvait à sa tête Simon de Montfort. Par ses succès militaires, ce baron d’Île-de-France sut tirer son épingle du jeu et devenir maître du comté de Toulouse, du duché de Narbonne et des vicomtés de Béziers, Albi et Carcassonne. C’est de cette guerre menée dans le Midi que naquît la ville de Cordes.
L’essor de la religion cathare
Le fondement de cette nouvelle religion repose sur l’idée que dieu, infiniment bon, ne peut être à l’origine du mal qui pullule sur terre. Le dogme est donc basé sur le dualisme, une opposition entre Dieu et le monde terrestre qui est le fait du dieu mauvais, Lucifer. Les Cathares aspiraient à une simplicité et un ascétisme dont l’Eglise catholique s’était fortement éloignée. Cette nouvelle église de plus en plus populaire auprès du peuple et des seigneurs locaux, ne reconnaissait pas l’autorité du pape. Mettant en place ses propres structures, nommant ses évêques, elle prit rapidement la forme de contre-église. Remettant en cause les fondements et l’existence même de l’Eglise de Rome, le catharisme représentait une sérieuse menace pour la papauté et les prélats. De nombreuses missions furent menées dans le Midi pour contrer l’hérésie, sans succès. Un événement vint cependant marquer un véritable tournant dans la lutte contre le catharisme.
Légat du pape, Pierre de Castelnau rencontra le 13 janvier 1208 Raymond VI le comte de Toulouse. Jugé trop peu enclin à combattre l’hérésie il avait par conséquent été excommunié par le Pape. La rencontre fut plutôt tendue, Raymond VI ne semblant pas vouloir donner de sérieux engagements dans la lutte contre les Cathares. Le lendemain, Pierre de Castelnau fut assassiné sur la route par un écuyer de la suite du comte. Ce meurtre fut vécu comme une véritable trahison par le pape qui réagit en jetant l’anathème sur Raymond VI. Si l’excommunication est réversible, ce n’est pas le cas de l’anathème qui délie par ailleurs les serments de fidélité faits au comte par ses vassaux. Le pape appela alors à la croisade contre les « hérétiques ». Si le roi de France Philippe Auguste refusa de se croiser, il ne put empêcher ses vassaux à participer à la croisade. Ce fut le début d’un affrontement qui allait mettre le Midi à feu et à sang.
La croisade contre les albigeois
L’armée des croisés se mit en marche au mois de juillet 1209. Elle fut rejointe à Valence par le comte de Toulouse, soucieux de faire amende honorable et de préserver ses territoires. Le comté de Toulouse leur étant acquis, les croisés tournèrent alors leur regard vers les terres de Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Carcassonne, Béziers et Albi. Ce dernier refusa de se soumettre et de livrer ses hérétiques à l’armée papale. La première ville à subir le sort des croisés fut Béziers. L’assaut fut donné, la ville détruite, ses habitants massacrés. La destruction de la ville provoqua un mouvement de panique parmi les habitants de la région ce qui facilita l’avancée de l’armée croisée qui s’empara de nombreux châteaux. Le 1er août, l’assaut fut donné sur Carcassonne mise en défense par le vicomte Raymond-Roger Trencavel. Assiégée, affaiblie par le manque d’eau et la chaleur écrasante du mois d’août, la ville se rendit le 15 août 1209. Le vicomte Raymond-Roger se serait livré aux assiégeants en échange de la vie sauve des habitants de Carcassonne. Les croisés pénétrèrent dans la ville, les habitants furent chassés et le vicomte fut emprisonné. Il mourut trois mois plus tard, probablement d’une dysenterie ou empoisonné selon les rumeurs (en savoir plus sur le siège de Carcassonne en cliquant ici).
Le légat Arnaud Amaury désigna pour succéder au vicomte de Carcassonne, de Béziers et d’Albi, Simon de Montfort, bras armé de la papauté. Simon de Montfort connut de nombreux succès militaires et jeta son dévolu sur le comté de Toulouse. Vaincu à la bataille de Muret, le comte de Toulouse Raymond VI dut partir se réfugier en Angleterre. En 1215, lors du concile de Latran, la décision fut prise de déposséder le comte de Toulouse de ses terres qui furent attribués à Simon de Montfort.
Mais le comte de Toulouse n’avait pas dit son dernier mot. Il revint dans le Midi accompagné de son fils en 1216. Appuyés par les comtes de Foix et de Comminges, le jeune comte parvint à reprendre Toulouse. Simon de Monfort assiégea la ville mais il fut tué en recevant une pierre sur son heaume. Sa mort entraîna la débandade de son armée. Son fils Amaury de Montfort qui lui succéda essaya de reprendre la ville de Toulouse mais cette tentative se solda par un échec. Il perdit peu à peu des territoires face à la reconquête menée par Raymond VI et son fils. Le prince Louis, futur Louis VIII, décida de se croiser et rejoint Amaury de Montfort en 1219. Il levèrent le siège devant Toulouse mais se heurtèrent à la résistance des Toulousains. En 1222, le jeune comte devient le comte Raymond VII de Toulouse suite à la mort de son père. Amaury de Montfort capitula le 14 janvier 1223. Il quitta le Midi emportant avec lui les restes de son père.
En savoir plus sur la religion cathare et la croisade albigeoise en cliquant ici et vous référant aux lectures indiquées à la fin du post.
La fondation de Cordes au XIIIème siècle
De nouveau maître du territoire, le comte de Toulouse Raymond VII décida de faire ériger une nouvelle cité, un nouveau bastion destiné à défendre son territoire fraîchement reconquis, la forteresse de Saint-Marcel ayant été rasée. Cette nouvelle cité était également destinée à accueillir une population dépossédée de ses habitations et rendue éparse par les conquêtes des barons du royaume de France. C’est ainsi que naquît la ville de Cordes. La charte de la fondation est datée du 4 novembre 1222.
La ville se peupla rapidement. De nombreux ateliers ouvrirent et des remparts furent construits (l’édification dura sept ans). Les croisés ayant été momentanément repoussés, la ville devint l’un des foyers du catharisme. Mais avec le retour des croisés qui mettra définitivement fin à ce mouvement religieux (cf. post sur la croisade contre les Albigeois), la ville subit l’inquisition et les persécutions menées par l’évêque d’Albi. La ville participa à des mouvements de révolte contre l’inquisition de l’Eglise catholique. Elle ne se soumit qu’en 1321. Malgré les persécutions, Cordes se développa notamment grâce à l’essor des industries de toiles, de draps, de cuir, au commerce et à la finance. La ville atteignit bientôt 5000 habitants et il fut nécessaire d’édifier de nouvelles fortifications, la cité débordant des remparts. Entre 1280 et 1350, de riches familles marchandes firent édifier des maisons aux très belles façades gothiques que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les ruelles de Cordes.
En 1348, Cordes fut victime de la grande peste noire qui ravagea l’Europe, emportant un quart de sa population. Une décennie plus tard, la guerre de Cent ans se fit également ressentir. Des Anglais se postèrent sur les hauteurs voisines et la ville dut renforcer ses fortifications. Cependant, elle fut globalement peu impactée par le conflit. A partir de 1450, la ville connut un nouvel essor, notamment grâce au commerce du pastel qui vint d’ajouter à celui du cuir. Le pastel était une plante qui une fois traitée, produisait une belle couleur bleue pour teindre les étoffes (cf. post sur l’histoire d’Albi qui s’enrichit également grâce au pastel).
Le déclin de Cordes
La ville dut également faire face aux conflits opposant Catholiques et Protestants à partir de 1562. Ville fortifiée, Cordes était convoitée par les Huguenots protestants. Elle sera ainsi prise d’assaut en 1568, pillée et en partie incendiée. Plus tard, la ville fit de nouveaux les frais d’épidémies de peste et perdit peu à peu de son influence. Au XVIIème siècle, la construction du canal du Midi modifia les grands axes commerciaux et laissa Cordes sur la touche. La ville se vida peu à peu de ses habitants si bien qu’elle ne comptait plus que 2500 habitants à la veille de la révolution française. Cordes tomba progressivement dans l’oubli. Une mise à l’écart qui explique peut-être que la cité ait réussi à garder une certaine authenticité et les traces de son passé historique.
Mes lieux coups de coeur de Cordes
La porte des Ormeaux
Deux grandes portes encadraient la première enceinte fortifiée de la ville, dont la porte des Ormeaux constituée de deux grosses tours. Elle était pourvue de deux herses. Elle aurait autrefois été appelée Porte Na Peytavina, c’est à dire la dame de Poitiers, probablement en l’honneur de la comtesse Jeanne. Cette dernière était la fille du comte de Toulouse Raymond VII et qui épousa Alphonse de Poitiers, frère du roi Louis IX (cf. post sur la croisade contre les Albigeois).
La Porte de l’horloge
Appelée dans un premier temps porte de la Vergue, cette porte fermait la quatrième enceinte fortifiée de la ville. On y installa une horloge au XVIème et elle fut renommée Porte de l’horloge. Au dessus de la porte se dresse un campanile contenant le mécanisme.
La maison du Grand Ecuyer
Les maisons gothiques de Cordes se développèrent aux XIIIème et XIVème siècles. Elles étaient construites en grès extrait au village de Salles situé à une quinzaine de kilomètres. La maison du Grand Ecuyer a été construite au XIVème siècle. Elle se démarque par sa façade richement sculptée d’animaux, d’hommes et d’êtres hybrides comme cette femme aux serres de rapace ou encore cet homme semblant chevaucher un lion.
La maison du Grand Fauconnier
Cette édifice fut bâti au XIVème siècle et fut restauré au XIXème siècle. Il s’agit de la maison gothique la plus récente de Cordes.
L’église Saint-Michel
La construction d’une église à l’intérieur même de la cité (la première église se trouvant hors des remparts) fut décidée en 1269. L’église actuelle résulte de nombreux travaux à travers les siècles. La nef fut ainsi agrandie au XIVème siècle et on y éleva un clocher à la même période. Elle fut victime du pillage des Huguenots qui pénétrèrent dans la ville en 1568 et mirent le feu à la toiture.
Pour en savoir plus je vous conseille de lire :
« La croisade albigeoise – la lutte contre les Cathares » – François de Lannoy – Editions Ouest-France
« Les Cathares, pauvres du Christ ou apôtres de Satan ? « , Anne Brenon, Découvertes Gallimard religions
« Les Cathares sont pressés d’en finir !« , Anne Brenon, Historia n°792, décembre 2012
« Cordes sur Ciel, le guide de visite« , Office du tourisme de Cordes du Ciel
Ça me plairait beaucoup de découvrir ce village…
Article très intéressant et enrichissant, lors d’une prochaine visite à Cordes-sur-ciel, mon regard sera différent. 😉
J’y suis aller une fois en voyage scolaire avec ma classe (5ème ou 4ème) ! j’ai était fasciné de cette ville !! j’ai beau être le cancre de ma classe , j’étudie à fond les histoire médiévale et celle de corde , je dévore l’histoire tellement j’en suis PASSIONNÉE *-* ça doit faire 5 ans que j’y était et je compte essayer d’y retourner avec des amis la-bas , c’est fantastique , je vous conseille d’y aller ! j’en garde un très bon souvenir et j’ai hâte d’y retourner de moi même cette fois 😀