L’histoire d’Angkor débute avec sa fondation au IXème siècle par le roi Jayavarma II. Jusqu’au XVème siècle, la ville s’épanouit et s’agrandit au point de couvrir une surface de 1 000 km2. Angkor était dotée d’un impressionnant système hydraulique qui lui permettait de nourrir une importante population. Comment la puissante et prospère cité d’Angkor qui domina pendant près de six siècles une grande partie de l’Asie du sud-est a-t-elle pu décliner au point de sombrer dans l’oubli et de disparaitre sous la végétation? Au XIXème siècle, lorsque les explorateurs et archéologues français redécouvrent Angkor, la ville n’est plus qu’un vaste ensemble de ruines enchevêtrées dans les racines des arbres. Qu’est-il arrivé à l’opulente et ingénieuse Angkor?
A partir du XIVème siècle, Angkor entama une phase de déclin qui allait progressivement conduire à son abandon en 1432. Bien que les chercheurs ne soient pas certains des causes qui ont conduit à la désertion d’Angkor, il semblerait néanmoins que l’on puisse l’expliquer par une combinaison de plusieurs facteurs.
Les guerres avec le royaume d’Ayutthaya
L’empire khmer qui domina à son apogée l’actuel Cambodge, une partie de la Thaïlande, du Laos et du Vietnam, était en conflit permanent avec le royaume de Champa, situé dans l’actuel centre et sud du Vietnam. Les rois Surayvarma II et Jayavarma VII affrontèrent ainsi les Chams à plusieurs reprises. Au XIVème siècle, les Khmers durent faire face à une autre menace, la puissance grandissante du royaume d’Ayutthaya situé dans l’actuelle Thaïlande (en savoir plus sur l’histoire d’Ayutthaya en cliquant ici).
Défaite khmer en 1431 face aux Siams
En 1351, les Siams établirent leur nouvelle capitale à Ayutthaya. Ils se rapprochaient ainsi des frontières de l’empire khmer. Leur pouvoir s’affirma et ils devinrent le principal ennemi d’Angkor. Ils lancèrent plusieurs raids au XIVème siècle. Les deux rivaux continuèrent à s’affronter jusqu’à ce que les Siams assiègent Angkor en 1431. D’après les chroniques d’Ayuthaya, le siège dura sept mois.
Cette attaque constitue un moment clé de l’histoire d’Angkor puisqu’elle se solda par une lourde défaire pour les Khmers. De nombreux prisonniers khmers, dont des officiers de la cour royale khmer, furent ramenés à Ayutthaya. Un fabuleux trésor, fruit du pillage d’Angkor, aurait également été rapporté. Ce trésor serait demeuré caché dans le prang du Wat Ratchaburan à Ayyuthaya jusqu’à sa découverte fortuite en 1957 par des voleurs (en savoir plus en cliquant ici).
Si cette victoire des Siams n’a pas entrainé d’occupation permanente du territoire khmer, il semblerait néanmoins que les Khmers battirent en retraite vers le sud et installèrent leur nouvelle capitale à Phonm Penh en 1434. Angkor ne fut pas pour autant entièrement abandonnée. Le temple d’Angkor Wat par exemple continua à être utilisé par des moines bouddhistes aux XVème et XVIème siècle. La cour royale retourna même brièvement à Angkor au XVIème puis au XVIIème siècle. Néanmoins, l’ancienne cité royale ne retrouva jamais sa gloire passée.
Gestion des eaux et crise écologique à Angkor
Il semblerait que les guerres avec Ayuthaya aient aussi eu des conséquences sur le système hydraulique d’Angkor. Il fut probablement difficile pour les Khmers de continuer à entretenir leurs infrastructures, qui se dégradaient déjà depuis plusieurs décennies, pendant leur long affrontement avec les Siams.
Or la capacité d’Angkor à nourrir sa population reposait sur un ingénieux système de canaux et de barays (grands bassins d’eau) qui nécessitait un entretien régulier et une importante main d’oeuvre. Ces canaux et réservoirs permettaient de stocker l’eau pendant la saison sèche ou au contraire de l’évacuer pendant la saison des pluies. Ce système hydraulique permettait ainsi de cultiver du riz à grande échelle.
Une perte de contrôle de l’eau aurait pu rendre Angkor incapable de nourrir tous ses habitants, ouvrant la voix à de sérieux troubles sociaux. Angkor devrait donc sa perte à ce qui avait autrefois fait sa force, la maitrise de l’eau.
A ceci pourrait bien s’ajouter une crise écologique. L’extension du royaume et la construction de multiples temples, palais et maisons avaient conduit à une importante déforestation. Or les racines des arbres sont essentielles pour l’absorption des eaux en cas de fortes précipitations. Des épisodes de sécheresses pourraient également avoir pu jouer un rôle dans le déclin progressif de la ville.
Le bouddhisme therevada
Enfin, une autre hypothèse repose sur la diffusion du bouddhisme theravada au XIVème siècle à Angkor. Cette doctrine bouddhiste repose sur la recherche individuelle du salut. Une quête qui nécessite de laisser derrière soit le monde matériel pour vivre une existence ascétique. Ce courant religieux a pu avoir des conséquences sur l’unité de l’empire, ce dernier reposant sur la croyance en un destin collectif. Le principe d’égalité sociale prôné par le bouddhisme therevada a également pu remettre en cause l’élite d’Angkor voire même l’autorité royale.
Pour autant, le bouddhisme therevada était aussi la religion dominante à Ayutthaya, ce qui n’empêcha pas le royaume de perdurer jusqu’au XVIIIème siècle.
Ainsi, après avoir régné sur un vaste empire dominant une partie de l’Asie du sud-est, Angkor finit par disparaitre et sombra peu à peu dans l’oubli. Ses constructions en bois pourrirent et elle ne laissa derrière que les ruines de ses extraordinaires temples de pierre. Aujourd’hui restaurées, la splendeur de ces immenses et multiples constructions nous rappellent ce que fut autrefois Angkor, une ville puissante et prospère qui surpassait de loin les autres cités de son temps.
Pour en savoir plus je vous conseille de lire:
‘Angkor – Cambodia’s wondrous khmer temples’ – Dawn F. Rooney – Sixth edition, 2011
‘Angkor before and after, a cultural history of the Khmers’ – David Snellgrove – Orchid Press, 2004
‘La cité d’Angkor vue par un drone !‘, Richard Stone, nationalgeographique.fr, 30 avril 2015
‘L’énigme d’Angkor‘, lemonde.fr, Emmanuel Rongiéras, 27 avril 2010
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