Port Victoria de Hong Kong

Hong Kong et la légende des empereurs Song

Sous son épais manteau de modernité, Hong Kong nous réserve bien des surprises. Vestiges du néolithique, tombe de la dynastie Han, anciens villages fortifiés, la ville de Hong Kong dévoile peu à peu les vestiges d’un passé modeste et méconnu. Il arrive également que l’histoire se mélange à la légende. C’est le cas du récit des derniers empereurs de la dynastie Song, contraints de se réfugier à Hong Kong face à l’invasion mongole à la fin du XIIIème siècle. Entre mythe et réalité, je vous propose de revenir sur cet événement qui signa la fin de la dynastie Song de Chine (960 – 1279).      

La Chine des Song sous la menace d’invasions successives

Du Xème au XIIème siècle, la dynastie Song qui régnait alors sur la Chine (960-1279) fut menacée d’invasion par différents peuples. Il y eut les Kitans (un peuple qui fonda l’empire des Liao au Xème siècle), les Tanguts (ils fondèrent l’empire de Xia en 1038), les Jürchen et enfin, les Mongols au XIIIème siècle.

Victoire des Jürchen et fondation de la dynastie des Song du Sud

Les Jürchen étaient un peuple descendant de tribus toungouses vivant dans le nord de la Chine. Ils furent les fondateurs de l’empire des Jin au XIIème siècle (1115-1234) en Mandchourie orientale et en Chine du Nord. Plus tard, c’est ce même peuple qui prendra en 1635 l’appellation de Mandchous et qui deviendra maître de la Chine au XVIIème siècle.

En 1120, les Jürchen s’allièrent à l’empire Song. Ils conjuguèrent leurs efforts pour mettre fin à l’empire des Liao qui menaçait la Chine des Song. Mais dès l’écroulement de l’empire des Liao en 1125, les Jürchen se retournèrent contre le pouvoir Song et lancèrent des attaques vers le Henan et le Shandong dans le centre et l’est de la Chine. Les Song durent se réfugier dans le Sud, donnant lieu à la dynastie des Song du Sud (1127-1279).

Les invasions mongoles

A partir de 1153, les Jürchens lancèrent de nouvelles offensives contre les Song du Sud. Mais affaiblis par une crise politique, les Jürchens durent suspendre leurs attaques et s’employèrent à mener une politique d’entente avec les Song. Néanmoins, ils furent à leur tour victimes d’attaques par les Mongols. L’empire Jin des Jürchen fut anéanti en 1234. La Chine du Nord fut progressivement conquise par les Mongols de même que le Sichuan (dans le centre-est de la Chine) et la Chine du Sud plusieurs décennies après. 

Une ultime bataille eut lieu en 1279 entre les forces de l’empereur Song et celles des Mongols dans l’estuaire de Guangzhou (Canton, située près de Hong Kong) dans la Chine du Sud. C’est la bataille navale de Yamen. L’armée impériale fut défaite signant la fin de la dynastie des Song du Sud. Les Mongols étaient alors les nouveaux maîtres de la Chine. Ils adoptèrent le titre dynastique de Yuan et allaient régner sur l’empire du milieu pendant près d’un siècle.

Hong Kong, dernier refuge des empereurs Song

Face à l’avancée des Mongols, les deux derniers empereurs Song qui n’étaient alors que des enfants, furent contraints de fuir vers le sud de la Chine. Selon la tradition orale, ils auraient trouvé refuge à Hong Kong, sur le territoire qui correspond aujourd’hui à la péninsule de Kowloon. Ce passage a apparemment laissé quelques traces. Trois caractères chinois ont été retrouvés gravés sur un rocher à Kowloon. Ces caractères, « Sung Wong Toi« , peuvent se traduire par « terrasse de l’empereur Song« . On peut aujourd’hui observer ce rocher abrité dans le petit parc de Sung Wong Toi. Par ailleurs, il aurait autrefois existé un village nommé « le palais des deux empereurs », en référence aux deux frères impériaux en fuite.

Selon la légende, les deux frères auraient tous deux trouvé la mort dans la région d’Hong Kong. Zhao Shi alors âgé de 10 ans serait tombé malade en 1278 tandis que Zhao Bing âgé de 8 ans aurait rencontré la mort juché sur les épaules de Lu Xiufu. Ce commandant militaire aurait choisi de sauter d’une falaise avec l’empereur suite à la défaite de Yamen. Toujours selon la tradition orale, la cour de l’empereur se serait réfugiée sur l’île de Lantau (une des îles de l’actuel territoire de Hong Kong).

Rocher de Sung Wong Toi - Hong Kong
Rocher de Sung Wong Toi – Hong Kong

Cependant, la présence des derniers empereurs Song à Hong Kong laisse les archéologues septiques. Aucune preuve concrète, aucun objet impérial (sceau impérial, objets en jade, documents administratifs, etc) n’a été retrouvé. A défaut d’artefacts prouvant la présence des empereurs Song et de leur cour, il existe néanmoins des vestiges archéologiques à Hong Kong qui témoigne d’un lien avec l’empire Song. Des pièces de monnaie de la dynastie Song et des poteries de la période Song ont été découvertes.

L’archéologie nous permet par ailleurs d’en savoir un peu plus sur la vie des habitants du territoire qui correspond aujourd’hui à Hong Kong, à l’époque de la dynastie Song. Récemment, les archéologues ont mis au jour une structure remontant à l’époque Song (960-1279) et Yuan (1272-1368). Elle comprenait les vestiges d’un canal d’irrigation, de puits et de fours à poteries. Des tombes de faibles profondeurs ont aussi été découvertes. Selon les archéologues, il s’agirait des vestiges d’un ancien village rural. Peut-être qu’un jour, d’autre fouilles apporteront la preuve que Hong Kong fut bien la dernière demeure des derniers empereurs de la dynastie des Song du Sud.

Pour en savoir plus, je vous conseille de lire:

« Le monde chinois – 2. Epoque moderne – Xème siècle – XIXème siècle« , Jacques Gernet, Edition Armand Colin

« Major archeological discovery surprises experts« , Chinadailyasia.com, Timothy Chui, 6 mai 2014