Situés en Bretagne dans le Morbihan, les alignements de Carnac font partie des ensembles mégalithiques les plus connus d’Europe. Battues par les vents depuis plusieurs millénaires, ces mystérieuses pierres qui ont alimenté de nombreuses légendes, reposent dans un champs d’herbes folles où viennent brouter quelques chèvres au coucher du soleil. Ces lignes dessinées par d’imposantes pierres aux formes irrégulières, s’étendent sur plus de trois kilomètres. Elles semblent inviter les visiteurs à parcourir le chemin qu’elles tracent, chemin aujourd’hui concurrencé par la route où défilent les voitures. Les alignements de Carnac ont longtemps été attribués aux Gaulois, un mythe encouragé par un célèbre petit gaulois à la moustache jaune. Ces pierres ont pourtant été érigées au Néolithique, il y a près de 5000 ans, soit bien avant les Gaulois. Ces menhirs ont longtemps fait l’objet de légendes et soulèvent encore aujourd’hui de nombreuses questions : comment de simples hommes du Néolithique ont-ils pu ériger ces pierres? Si les chercheurs sont aujourd’hui en mesure de fournir une explication sur leur construction, une autre grande question demeure : à quoi servaient ces pierres?
Les alignements de Carnac au cœur des légendes
La région de Carnac comporte sept alignements et 579 menhirs. Trois grands champs abritent ces imposants menhirs : Kerlescan, Kermario et Ménec. Les alignements de Kermario sont les plus grands, se déployant sur 1100 mètres.
Nombreuses sont les légendes qui entourent le site mégalithique de Carnac. Ancien cimetière gaulois, ces pierres auraient été aménagées pour honorer les morts. Les grosses pierres auraient été destinées aux plus riches tandis que les plus petites étaient réservées aux plus pauvres. Selon un autre mythe, ces pierres ne seraient ni plus ni moins que des soldats païens changés en pierre après avoir poursuivi Saint Cornély (devenu pape au IIIème siècle) et l’avoir acculé au bord de la mer. Dans une autre variante, les pierres seraient l’armée pétrifiée de César. Pierres gardiennes d’un secret ou d’un trésor reposant sous leurs pieds, les légendes ne manquent pas. En réalité, les récentes études et découvertes scientifiques ont montré que les menhirs auraient été élevés entre le Vème et IIIème millénaire avant notre ère, par les habitants du Néolithique.
Carnac, l’oeuvre d’une population du Néolithique
Un intérêt croissant pour Carnac au XIXème siècle
Au XVIIIème siècle, on commence à s’intéresser scientifiquement à Carnac. Le marquis Paul Christophe de Robien, réalise un premier dessin des menhirs de Kermario. Il dresse une première hypothèse : les menhirs auraient été érigés pour servir de stèle funéraire. Pour F.F. Royer de La Sauvagère, ingénieur en chef du génie du roi à Port-Louis, ces alignements pourraient être les vestiges du camps dressé par Jules César dans sa conquête du territoire lors de la guerres de Gaules. Des pièces de monnaie et des tessons gallo-romains retrouvés à la fin du XIXème sur le site de Kermario, ont plus tard conforté cette hypothèse d’un « camps romain ». Au XIXème, une mission anglaise entreprend d’établir un plan précis des alignements. En 1873, Henri du Cleuziou réalise des dessins du site archéologique et parvint à établir un plan vu du ciel du site de Kerlescan. Puis surviennent les premiers inventaires des mégalithes au XIXème siècle. On pense y voir des temples celtiques ou bien des cultes druidiques du serpent en raison de la forme sinueuse des alignements. Les menhirs commencent à susciter une sorte de passion ésotérique au XVIIIème et XIXème. Un ordre druidique fut même crée en 1781. Considéré comme une secte, cet ordre fut combattu par Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, dès 1836. Ce dernier chargé de dresser un inventaire des monuments historiques français devant être protégés, fit inscrire les alignements de Carnac en 1840 sur une liste des monuments historiques.
De quand datent les alignements de Carnac ?
En 1877, alors que l’archéologie n’en était qu’à ses balbutiements, James Miln, un écossais passionné d’archéologie, retrouva des vestiges gallo-romains sur le site. Il constata néanmoins que le niveau de calage des menhirs était bien inférieur à celui où avaient été retrouvés les objets gallo-romains. Sur cette strate inférieure entourant le calage des pierres, il découvrit des charbons de bois, des fragments de meules ainsi que des silex taillés. Il retrouva par ailleurs dans un des dolmens situé près des alignements, un percuteur de quartz, des silex, un aiguisoir en grès, etc. Il aboutit à la conclusion que les alignements et les dolmens ont été érigés par la même civilisation et qu’elle n’était pas gallo-romaine.
Aujourd’hui, la datation au carbone 14 des charbons de bois retrouvés près des dolmens permet de résoudre la question de la datation des alignements de Carnac. Ils auraient été dressés entre le Vème et le IIIème millénaire avant notre ère. Leur construction aurait pris fin au début de l’âge du bronze, vers 2000, 1500 avant notre ère. Par ailleurs, des tessons de poteries datés par thermoluminescence (cette technique date la luminescence des cristaux d’une roche ou d’une céramique lorsqu’ils ont été chauffés) ont permis de dater les dolmens et les menhirs à environ 4000 avant J.C.
Les mégalithes sont apparus dans l’ouest de la France, au Portugal et se seraient répandus jusqu’aux rivages de la mer du Nord, montrant ainsi les échanges entre les différentes populations.
Il existe différents types de monuments mégalithiques :
- Les pierres dressées ou menhirs (désignant les pierres longues dressées) regroupés ou alignés comme les alignements de Carnac. Les menhirs peuvent aussi se dresser individuellement comme le « géant de Manio », un imposant menhir situé près des alignements de Kerlescan à Carnac.
- Les dolmens ou les tumulus aux architectures fermées constituent des chambres funéraires. On trouve à Carnac le tumulus de Saint-Michel (environ 4500 avant J.C.). Ces tumulus sont parfois caractérisés par des dolmens à couloir qui se situent à l’intérieur et peuvent accueillir une ou plusieurs sépultures. Ils sont recouverts d’un amoncellement de pierres leur donnant l’apparence d’une colline. Le dolmen signifie en breton « table pierre », il abritait une chambre funéraire collective.
- Le cairn est un alignement de pierre formant un muret.
- Le cromlech est une enceinte constituée de pierres levées formant un cercle comme le célèbre cercle de Stonehenge (cf. post sur Stonehenge).
- L’almendres est un cercle de pierres dressées ornées de gravures. On en trouve au Portugal. Ils ont été érigés au Vème millénaire avant J.C.
Qui étaient les bâtisseurs de Carnac?
Si nous savons peu de choses sur les constructeurs des mégalithes de Carnac, les chercheurs ont pu établir qu’il s’agissait de l’oeuvre d’une population du Néolithique. Par ailleurs, le nombre important de pierres levées indique qu’il s’agissait d’une population importante. La taille et le poids des pierres ont probablement dû nécessiter le travail d’une centaine d’hommes ce qui impliquerait une population de plusieurs milliers d’habitants. Des squelettes retrouvés dans la région du Morbihan indiquent de ces individus se nourrissaient de bœufs, de porcs, de sangliers, d’oiseaux de mer, de crustacés, etc. Malheureusement, le niveau de la mer étant monté de 5 à 6 mètres depuis le Néolithique, il est probable que nous ayons perdu à jamais les traces de sites essentiels situés sur les plages.
De récentes découvertes permettent par ailleurs d’avancer l’hypothèse que des individus vivaient à Carnac. En effet, Olivier Agogué, responsable du service archéologique du conseil général du Morbihan, et son équipe ont découvert des traces d’habitation lors de fouilles préventives réalisées au printemps 2014 au parc Belann où la ville de Carnac a un projet immobilier. Du mobilier et des objets du quotidien comme des vases, des outils pour broyer le grain, des trous de poteaux ayant servi à soutenir un bâtiment, du charbon, ou des silex taillés ont été découverts à quelques centaines de mètres des mégalithes. Ils dateraient de l’âge du bronze mais également de la fin du Néolithique. Ces découvertes pourraient indiquer que des hommes vivaient à côté des mégalithes au Néolithique. D’autres fouilles seront organisées courant 2015. Selon Olivier Agogué, « C’est la première fois qu’on trouve de l’habitat néolithique aussi bien structuré à Carnac ». La présence d’une meule et d’un broyeur à grains rappellent par ailleurs que le néolithique est marqué par le début de l’agriculture et de la sédentarisation.
Comment ces pierres ont été érigées? A quoi servaient-elles ?
Les pierres constituant les alignements de Carnac sont plantées dans le sol et se dressent à la verticale. Certaines adoptent des formes pour le moins curieuses, avec un petit pied et un énorme « ventre ». Des formes différentes qui peuvent s’expliquer par l’érosion des roches. Ces pierres ont pu être extraites du sol à l’aide de leviers de bois. Certains blocs dépassaient du sol. On utilisait des coins de bois pour chauffer la pierre où était ensuite versée de l’eau froide pour fendre la pierre à l’aide de percuteurs. Le transport aurait pu se faire avec des rondins de bois et des cordages. Des fosses recevaient ensuite la base du menhir, à l’aide de pierres de calage.
A quoi servaient ces pierres? Cette question n’a pas encore trouvé de réponse. Elle ouvre cependant de nombreuses possibilités. Marquaient-elles un lieu de cérémonie ? Traçaient-elles des voies sacrées ? Permettaient-elles de marquer un territoire ? Honoraient-elles des ancêtres ? Etait-ce une manière d’être vu du ciel par des dieux, des astres ? Une autre théorie voudrait également que les alignements de Carnac aient servi de calendrier marquant les cycles agricoles. En raison des correspondances existant entre la structure des ensembles mégalithiques et la position du soleil à certaines périodes de l’année, les alignements pourraient correspondre à des dates se rapportant aux principales phases du cycle agricole. Or l’agriculture était à cette époque une activité nouvelle.
Quelles que soient les raisons qui aient poussé les habitants du Néolithique à former ces alignements de pierre, il semblerait qu’ils aient emporté leur secret avec eux. Ces pierres demeurent encore aujourd’hui un mystère et c’est ce qui les rend si fascinantes. Qu’il s’agisse de Carnac ou de Stonehenge au Royaume-Uni, ces hommes nous ont laissé un magnifique héritage qu’il convient de préserver et qui constitue la preuve que ces individus n’étaient pas de simples hommes de l’âge de pierre aux capacités limitées comme on a longtemps pu le laisser croire.
Pour en savoir plus je vous conseille de lire :
« Les alignements de Carnac, temples néolithiques », Editions du patrimoine, Centre des monuments nationaux
« Des traces d’habitation du néolithique à Carnac« , Nathalie Bougeard, 5 novembre 2014, Lefigaro.fr
« Carnac. Des archéologues lèvent le mystère autour des mégalithes« , 30 septembre 2014, Ouestfrance.fr
Je ne connaissais pas du tout ce site, c’est très impressionnant ! Il est vraiment bien préservé.
Merci pour l’article & la découverte.
Bonne fin de journée
Impressionnée par ces pierres. Carnac est un beau village.
.que de mystères….Merci a toutes les personnes qui contribuent a maintenir ces sites.
Bonjour,
L’explication de Carnac a semble-t-il été résolu par l’astrophysicien André Maucherat. Les alignements marquent la trajectoire dans le ciel de certains astres (étoiles Castor et Pollux, Vénus et Jupiter etc) à une certane période de l’année. C’est en gros un dessin géant. Je vous invite à voir sa vidéo sur youtube.
Bonne journée
Bonjour Tom. Je suis allé jeter un œil sur la théorie d’André Maucherat. Cela paraît évident et tout à fait plausible… Les hommes n’ont pas attendu d’aller sur la lune pour avoir la tête dans les étoiles 😉