© J. Boislève/ Inrap
14 juillet 2015 – Des fresques exceptionnelles de l’époque romaine ont été mises au jour à Arles. Mettant en scène des personnages très finement travaillés, ces peintures murales dévoilent par ailleurs un style de représentation extrêmement rare. Depuis le 1er avril 2015, des fouilles archéologiques ont repris à Arles sur le site d’une maison datée du Ier siècle avant J.-C (site municipal de la Verrerie dans le quartier de Trinquetaille). Ces recherches sont réalisées par le service archéologique du conseil départemental des Bouches-du-Rhône avec le soutien de la ville d’Arles et en partenariat avec l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). Débutées en 2014, elles s’achèveront en 2016 à raison de quatre mois de fouille par an.
Arles et le site archéologique de Trinquetaille à l’époque romaine
Située à l’embouchure du Rhône, la ville portuaire d’Arles s’est implantée dès le VIème siècle avant J.-C. sur un axe commercial majeur qui a permis le développement de la cité. A partir des années 30 avant notre ère, la ville côté rive gauche (où se trouvait le coeur civique et administratif) fut dotée de rues pavées, d’arcs monumentaux, d’un forum et d’un théâtre.
Trinquetaille qui se trouvait sur la rive droite du Rhône, était à l’époque romaine un vaste quartier portuaire et résidentiel comme en témoignent les traces d’occupation s’échelonnant du Ier siècle avant J.-C. à la fin du Vème siècle. Le quartier avait également une fonction économique avec un forum, des docks, des entrepôts et des activités artisanales ainsi qu’une fonction funéraire avec la présence d’au moins deux nécropoles. Vers la fin du IIIème siècle, le site aurait été victime d’une destruction violente suivie de son abandon progressif. Des premières fouilles archéologiques réalisées de 1982 à 1984 avaient déjà révélé un quartier d’habitations romaines. L’étude des maisons datant du IIème siècle de notre ère avait permis d’entrevoir le luxe de ces habitations caractérisées par un large apparat décoratif (placages de marbre, peintures murales et mosaïques). Laissé de côté pendant plus de 20 ans, ce site fait à présent de nouveau l’objet de fouilles.
Nouvelles découvertes archéologiques
Une première campagne de fouilles avait révélé en 2014, dans une première pièce associée à une chambre à coucher, un rare décor peint de deuxième style pompéien (selon la classification établie dès le XIXème siècle sur la base des peintures mises au jour à Pompéi), daté entre 70 et 20 avant notre ère. Ce type de peintures de haute qualité était réservé aux salles d’apparat des plus riches demeures, souvent celles des élites dirigeantes de la cité, de Romains installés dans la région après la conquête ou de notables locaux cherchant à marquer leur assimilation au mode de vie romaine.
Dans la pièce voisine actuellement fouillée, les archéologues ont découvert un décor unique en France. Il appartient également au deuxième style pompéien mais présente une variante jusqu’à présent inédite en France. La fresque insère en effet dans l’architecture fictive des personnages de grande taille. Sur un fond uni de rouge vermillon (pigment de luxe pour l’époque), des colonnes fictives imitant le marbre forment des espaces dans lesquels sont représentés divers personnages. Les morceaux de fresque montrant une femme jouant d’un instrument à cordes ressemblant à une harpe ont ainsi été exhumés (cf. photo ci-contre). Les premières observations ne permettent pas encore d’identifier les personnages de cette scène murale. Néanmoins, quelques indices semblent trahir la présence du dieu Pan et laisse penser que la fresque pourrait illustrer l’univers de Bacchus souvent représenté sur les murs romains.
La qualité et la finesse de la représentation des visages, des corps et des vêtements ainsi que la richesse des pigments témoignent d’un travail d’atelier extrêmement qualifié, venant probablement d’Italie. Ces peintures dévoilent ainsi un site exceptionnel dont la richesse et le style des fresques (également peu nombreuses en Italie) renvoient à certaines des plus riches villas romaines du Ier siècle avant J.-C. comme la villa de Boscoréale et la villa des Mystères à Pompéi.
Le deuxième style pompéien n’a jusqu’alors été identifié que sur une vingtaine de sites en France. Le site d’Arles offre ainsi la possibilité pour les chercheurs de mieux comprendre la diffusion de cette mode dans le sud de la Gaule. Ces découvertes permettent également d’en savoir plus sur un très riche habitat implanté en rive droite du Rhône, dès le Ier siècle avant notre ère au moment où l’antique Arelate connaissait justement un essor politique et économique après son soutien à César lors de la guerre civile qui l’opposa à Pompée.
En savoir plus sur le site de l’Inrap
Laissez un commentaire