Le Béguinage de Courtrai

C’est à l’occasion d’un petit week-end familial dans la ville de Courtrai, située au Nord-Ouest de la Belgique flamande à seulement une trentaine de kilomètres de Lille, que j’ai eu l’occasion de découvrir le Béguinage Saint-Elisabeth de Courtrai. On pourrait presque passer à côté de ce petit havre de paix situé à l’écart de la Grand Place où s’élève le beffroi de la ville, souvenir de la cité drapière et de sa halle aux draps dont il faisait autrefois partie intégrante. Séparé du reste de la ville par une enceinte murale et de simples portes donnant sur la place de l’église Saint-Martin, le béguinage se fait discret au regard du visiteur. Dernière ces portes se cache pourtant une véritable petite ville dans la ville qui a accueilli pendant des siècles une communauté religieuse de femmes désireuses de vivre en paix et en harmonie avec Dieu.

Le développement des béguinages au Moyen-Âge

Ruelle du béguinage
Ruelle du béguinage

Fondé en 1238 par la comtesse de Flandre et de Hainaut, Jeanne de Constantinople, le béguinage de Courtrai accueillait des femmes, les béguines, vivant au sein d’une communauté religieuse assez particulière. Souvent veuves ou célibataires, ces femmes avaient choisi de se consacrer à Dieu (sans pour autant prendre leurs vœux comme dans un couvent). Ce Béguinage est aujourd’hui composé de 41 maisonnettes datant du XVIIème siècle et de jardins fleuris que l’on découvre à mesure que l‘on s’enfonce dans les ruelles. 

Cet espace religieux fait partie des 12 béguinages fondés en Flandre au XIIIème siècle. S’y trouvent des maisons, des églises et des jardins pour répondre aux besoins matériaux et spirituels de ces femmes. Les béguinages les plus connus se trouvent à Gant et à Bruges. C’est un mouvement spirituel apparu vers 1200 qui se trouve à l’origine de ces ensembles religieux. Ce mouvement fait échos au renouveau religieux que connut l’Europe occidentale à cette époque et qui se traduisit de plusieurs façons chez les femmes : nombre d’entre elles choisirent de prononcer leurs vœux et d’entrer dans les ordres, d’autres firent le choix de vivre religieusement mais sans se retirer entièrement du monde, conservant leur liberté de mouvement et donnant ainsi lieu aux béguinages. Elles pouvaient également revenir sur leur engagement. Leur vie était consacrée à la prière et au soin des malades.

C’est un mouvement spirituel apparu vers 1200 qui se trouve à l’origine de ces ensembles religieux. Ce mouvement fait échos au renouveau religieux que connaît l’Europe occidentale à cette époque

Ces lieux de paix répondaient à une organisation bien définie et à des règles propres. Entourés de murs ou de tranchées ils constituaient un espace à part qui ne s’ouvrait au monde extérieur que dans la journée. Ils s’organisaient autour d’un modèle urbain reflétant la ville médiévale dans laquelle ils se situaient ou bien autour d’une cour interne encerclée de maisons. Une béguine élue sous le nom de « La grande Dame » était en charge de la direction du béguinage. Cette communauté fut cependant progressivement remise en cause et sérieusement menacée à partir du XIVème siècle.   

La disparition progressive du mouvement

Maison du béguinage
Maison du béguinage

Des voix commencèrent à s’élever contre cette communauté religieuse de plus en plus influente et qui pouvait représenter à terme une menace contre l’autorité de l’Eglise. Ce début de contestation se concrétisa dans un premier temps par le procès et l’exécution en 1310 de Marguerite Porète, une béguine clergesse et auteur du « Mirouer des simples ames anientis et qui seulement demourent en vouloir et desir d’amour » qui fit scandale auprès de l’Eglise. Survint ensuite la condamnation des béguines lors du Concile de Vienne en 1312 présidé par le Pape Clément V (dont on retiendra surtout la fameuse condamnation de l’ordre des Templiers sous Philippe Le Bel).

Plus tard, les bouleversements religieux que connurent les Pays-Bas au XVIème siècle contribuèrent au déclin des béguinages qui disparurent peu à peu des provinces calvinistes. Cependant, au milieu du XVIème, la chance sembla de nouveau être du côté des béguines. Les évêques de la contre-réforme rétablirent l’ancien ordre des béguinages qui connurent un souffle nouveau. Mais là encore le mouvement dut faire face à de nouvelles perturbations. Au XVIIIème siècle, la conquête des Flandres par Louis XIV et la prise de la Belgique en 1795 contribua à un nouveau recul de la communauté. Au cours des XIXème et XXème siècles, leur sort dépendit des décisions des autorités locales. Certains béguinages bénéficièrent du soutien de l’Eglise et furent repris par les ordres religieux. Mais plusieurs béguinages furent malheureusement endommagés lors de la première et la seconde guerre mondiale. Pour d’autres, le temps fit simplement son œuvre.

Il reste cependant des béguinages encore très bien conservés dont celui de Courtrai. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est aujourd’hui habité par des « civiles » ce qui n’hôte en rien le caractère exceptionnel de ce lieu. Les béguinages nous laissent un témoignage unique de ce à quoi pouvait ressembler la vie des femmes de cette communauté religieuse au Moyen-âge.