Cathédrale de Laon

Histoire de Laon, ancienne cité royale

Surplombant la plaine et la ville moderne qui s’étendent à ses pieds, la vieille ville de Laon cache derrière ses remparts de véritables trésors historiques. Occupée par les Romains, promontoire sacré des druides, capitale royale sous les Carolingiens, berceau de Saint-Rémi et de la fameuse Berthe « au grand pied », cité inexpugnable jusqu’à sa conquête par Henri IV de France, Laon possède un passé extrêmement riche que je vous propose de découvrir brièvement.

Laon, forteresse imprenable construite par les Romains

Le promontoire de Laon fut occupé dès la préhistoire comme l’atteste la présence d’un habitat antique dans des cavernes creusées au sein même des falaises. Ces demeures troglodytes encore visibles aujourd’hui sont appelées les « Creuttes » ou « Crouttes ». Avec ses nombreuses sources d’eau, le site aurait été un lieu privilégié des druides celtes, un « promontoire sacré ». Le nom romain de Laon a d’ailleurs une origine celtique. En effet, au IVème siècle (entre 357 et 363 avant notre ère) sous le règne de Julien l’Apostat, une forteresse est édifiée par les Romains sur la petite montagne de Laon. La situation idéale du site n’avait pas échappé aux Romains qui y implantèrent un fort leur permettant de surveiller la plaine. Ils attribuèrent au promontoire le nom de Laudunum ou Lugdunum, provenant du dieu Lau ou Lug, divinité celtique du Vème siècle avant J.C. Cet acte s’inscrivait dans la politique de l’empereur romain Julien consistant à donner une nouvelle impulsion aux cultes gaulois et à s’opposer à la montée du christianisme que Julien voyait d’un mauvais œil.

Laon sous les Mérovingiens

L’histoire de Laon fut par la suite étroitement liée aux Mérovingiens, dynastie des rois francs. Elle fut un des lieux de résidence de Clovis et de son épouse Clotilde. Cette reine chrétienne fit construire un oratoire dédié à Saint-Marcel dont un quartier de Laon porte aujourd’hui le nom. C’est également à Laon que le célèbre Saint-Rémi fut élevé avant d’être ordonné évêque de Reims. La ville accueillit par ailleurs Sainte-Geneviève en 480, connue pour avoir défendu Paris contre les Huns. Elle y aurait guéri une jeune fille paralysée.

Abbaye de Saint-Vincent à Laon
Abbaye de Saint-Vincent à Laon

La ville fut aussi témoin des affrontements qui opposèrent les deux frères rivaux Chilpéric et Sigebert et leurs épouses respectives Frédégonde et Brunehaut. Chilpéric et Sigebert étaient les petits-fils de Clovis Ier. Le partage des terres entre les frères à la mort de leur père fut à l’origine d’un incessant conflit relaté par deux historiens du VIème siècle, Fortunat et Grégoire de Tours. Chilpéric était roi de Soissons tandis que son frère Sigebert, roi de Reims, possédait Laon, Metz et l’est de la Gaule formant l’Austrasie. Sigebert sera finalement assassiné à Vitry en 575, probablement sur ordre de Frédégonde. Cet assassinat ne mit cependant pas fin à l’affrontement. Chilpéric et Frédégonde devaient toujours faire face à la reine Brunehaut, à présent veuve de Sigebert. Or la reine s’avéra être un adversaire politique hors du commun. Elle survivra au couple royal pour finalement être exécutée à l’âge de 70 ans en 613 par Clotaire II, fils de Chilpéric et Frédégonde. Brunehaut laissa une trace importante à Laon. Elle y avait sa résidence. La reine qui s’était convertie au christianisme pour son mariage construisit à Laon l’abbaye Saint-Vincent.

Laon au temps des Carolingiens

Si Laon ne fait pas partie des plus grandes villes de France, elle fut pourtant une cité royale, résidence favorite des rois Carolingiens (741-895) avant de brièvement devenir la capitale du Royaume de France (895-988).

Laon devient résidence royale sous Pépin le Bref

Vue de Laon depuis la cuve Saint-Vincent
Vue de Laon depuis la cuve Saint-Vincent

L’histoire de Laon sous les Carolingiens débute avec la mort de Charles-Martel, le célèbre maire du palais qui battit les Sarrasins à Poitiers. Il laissa derrière lui trois fils, Carloman, Pépin et Griffon, fils illégitime. Ce dernier fut rapidement évincé par Pépin qui, avec la complicité de Caribert comte de Laon et père de la future Berthe « au Grand Pied », s’empara de Laon et emprisonna son demi-frère. Carloman ayant de son côté choisi de rentrer dans les ordres, Pépin resta seul maître à bord et Laon devint sa résidence royale. Laon serait également là où Charlemagne aurait été conçu, dans la forêt de Samoussy. En 754, le pape Etienne confirma la dignité royale à Pépin accordée trois ans avant par le Pape Zacharie. En 768, Pépin le Bref décède et son royaume est partagé entre Charlemagne et son frère Carloman. Mais ce dernier meurt quelques années plus tard en 771 laissant Charlemagne régner seul.

Laon a également accueilli en son sein, Roland, neveu de Charlemagne et héro de la fameuse « chanson de Roland ». A la mort de Charlemagne, son fils Louis lui succèda. Le nouveau souverain est très dévot et sera d’ailleurs surnommé « Louis le Pieux ». Une dévotion qui ne l’empêchera pas de choisir en seconde noce après la mort de son épouse Hermangarde, la belle Judith sélectionnée après avoir fait défiler dans son palais les plus belles jeunes filles de l’empire.

Louis et Judith auront un fils, le futur Charles le Chauve. Mais l’enfant né en seconde noce ne peut prétendre au trône. S’ensuit alors un conflit qui opposera Judith et Lothaire, fils du premier lit, qui s’achèvera par l’exil de Lothaire en Italie et le retour de Charles à Laon après avoir été momentanément enfermé dans le monastère de Prum près de Trèves. En 840 Louis le Pieux décède. Charles sait alors qui lui faudra agir vite face à ses demi-frères pour récupérer sa part du royaume. Mais l’opposition qui règne entre les demi-frères vire au carnage sur un champs de bataille opposant Lothaire et Charles. Charles ressortit vainqueur, se fit couronner à Reims et prit possession de son royaume de Laon, Soissons, Reims, Saint-Quentin et Paris. Mais le nouvel empereur doit faire face à trois menaces conjointes lors de son règne : les Sarrasins sur les côtes méditerranéennes , les Bulgares et les Normands qui ravagent les côtes dans le Nord. Si Laon du haut de ses remparts est protégée, ses habitants voient au loin l’abbaye de Saint-Vincent victime des flammes. Malgré ces menaces guerrières, Laon devint un grand centre culturel sous l’impulsion de Charles le Chauve.

Charles le Simple fait de Laon la capitale du royaume

Quelques années plus tard, Charles le Simple, petit-fils de Charles le Chauve, fit de Laon la capitale de son royaume. Mais le roi dut faire face à la trahison de seigneurs rebelles qui lui tendirent une embuscade et l’emprisonnèrent. Le roi meurt emprisonné en 929. Héribert, le leader de la mutinerie, s’empare de Laon. La reine Otvige, épouse de Charles, s’était enfuie en Angleterre près de son père, avec son fils Louis surnommé « Louis d’Outre-mer ». Le duc Hugues (grand-père d’Hugues Capet) décida alors sous couvert de préserver le sang royal, de faire rappeler le jeune prince. En réalité le duc pensait pouvoir contrôler le jeune homme de 15 ans et manœuvrer à travers lui. Bien mal lui en prit ! Le jeune roi reprit son royaume en main et s’affranchit rapidement de la tutelle du duc. Ce dernier, furieux, décida de se rallier au traître Héribert toujours présent à Laon, dans la citadelle du château-Gaillot. Louis fit alors le siège de la forteresse dont il s’empara rapidement grâce à une efficace machine de guerre qui mit à mal les murs de la citadelle.

Le règne de Louis d’Outre-mer

En 930, Louis d’Outre-mer épouse Gerbère, veuve du duc de Lorraine possédant la Belgique. Il put ainsi agrandir son royaume. Mariage politique, les deux époux formèrent pourtant un duo travaillant à une même oeuvre politique et faisant front face aux risques de trahison des grands seigneurs. Il auront ensemble plusieurs enfants dont Lothaire, futur roi de France. Mais de nombreux ennuis attendent encore le roi Louis. En 945, alors qu’il essaie de récupérer la Normandie, le roi est emprisonné par les seigneurs normands qui réclament en échange de la liberté du roi, ses deux fils. Seul le second fils, alors un nourrisson qui ne survivra pas, est livré. Le roi est libéré mais est de nouveau fait prisonnier par le prince Hugues qui réclame quant à lui la ville de Laon en échange de la liberté du roi. La reine Gerbère qui dut céder la ville fit appel au roi d’Angleterre (également l’oncle de Louis) et à son frère Othon de Germanie. Le roi fut libéré et la ville de Laon récupérée grâce à un astucieux stratagème. Les soldats du prince se firent passer pour les palefreniers de Hugues qui menaient chaque jour les chevaux au pâturage en dehors de la ville. Ils parvinrent ainsi à pénétrer dans la ville et à ouvrir l’accès aux troupes du roi Louis. Mais en septembre 954, le roi meurt accidentellement d’une chute de cheval à l’âge de 33 ans. Il est enterré à Saint-Rémi où reposent les rois de Laon.

Vitrail de la cathédrale de Laon
Vitrail de la cathédrale de Laon

 

La fin des Carolingiens

Cathédrale de Laon
Cathédrale de Laon

La reine Gerberge doit alors faire rapidement face au danger des seigneurs rivaux et assurer le couronnement de son fils Lothaire alors âgé de 13 ans. Elle fit de nouveau appel à son frère Othon de Germanie mais également à son second frère Brunon archevêque de Cologne. Elle parvint avec ces alliés de taille à forcer le prince Hugues à reconnaître Lothaire en tant que roi et à le faire sacrer à Saint-Rémi. Gerberge a triomphé et sauvé la dynastie. La politique du nouveau roi s’attachera notamment à repeupler les régions dévastées par les incursions normandes et sarrasines. Mais en 986 le roi tomba malade et décéda brutalement. On murmure qu’il aurait été empoisonné par ses ennemis, de même que son fils qui ne lui succédera que très brièvement. En effet, ce dernier mourut à son tour un an après de maladie soudaine. Il passera à la postérité sous le surnom de « Louis le Fainéant » donné par ses ennemis. En effet, seul le mot « néant » pouvait être associé au mot « fait » face à un règne si court.

S’ensuit alors un conflit de succession. Le duc Hugues, futur Hugues Capet, écarta du pouvoir Charles, frère de Lothaire. Hugues est proclamé roi le 1er juin 987 à Noyon. Mais Charles tenta de renverser la situation et s’empara de la ville de Laon. L’évêque Adalbéron allié d’Hugues Capet est arrêté ainsi que la reine Emma, veuve de Lothaire, pour l’écarter du pouvoir. Charles renforça les fortifications de la ville. Hugues et ses alliés tentèrent à deux reprises d’assiéger Laon, sans succès. Le combat d’Hugues Capet aurait pu être perdu si l’évêque Adalbéron n’était pas entré en scène. L’évêque qui avait rallié Hugues Capet implora le pardon du roi Charles et lui promit fidélité. Mais la nuit même, Adalbéron ouvrit la porte de la ville aux soldats d’Hugues Capet qui pénétrèrent dans la cité et s’emparèrent du roi. Ce dernier mourut en prison dix mois plus tard. Ainsi s’acheva l’histoire des Carolingiens et débuta celle de la dynastie capétienne. Les Laonnois considérèrent cependant pendant longtemps le nouveau roi capétien comme un usurpateur et restèrent fidèles aux Carolingiens. Quant à l’évêque, il mourut peu de temps après sa trahison.

La ville connaîtra d’autres aventures et évolutions dans les siècles à venir que je vous inviterai à découvrir dans un prochain billet sur Laon.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de Laon, je vous conseille de lire les ouvrages suivants :

« Laon promontoire sacré, des druides au IXème siècle« , Suzanne Martinet, éditions 1994

« Laon ancienne capitale de la France », Suzanne Martinet, éditions 1989

Et si vous souhaitez découvrir Laon à travers une histoire romancée de Berthe au « grand pied », je vous conseille de lire « Berthe au grand pied, épouse et mère de rois, de Pépin le Bref à Charlemagne » de Martina Kempff, éditions Actes Sud, 2011