Temple Wat Phra Ram

Visite de l’ancienne cité d’Ayutthaya en Thaïlande

Pendant plus de quatre siècles, la ville d’Ayutthaya, ancienne capitale du royaume de Siam entre le XIVème et XVIIIème siècle (cf. article sur l’histoire d’Ayutthaya) s’enrichit et s’agrandit, donnant vie à un paysage architectural hors du commun. Mais les multiples temples qui firent autrefois la gloire et la splendeur d’Ayutthaya ont pour la plupart été détruits pendant la prise de la ville par les Birmans en 1767. Les temples survivants se trouvent aujourd’hui dispersés dans la ville moderne. Et rien de tel que de parcourir la ville à vélo pour aller à leur rencontre et tenter de remonter le temps.

Lire article de l’histoire d’Ayutthaya en cliquant ici

Prang du Wat Chaiwatthanaram
Prang du Wat Chaiwatthanaram

L’architecture d’Ayutthaya, et plus largement l’architecture thaïlandaise, trouve son fondement dans la mythologie hindoue (avant l’essor du bouddhisme, l’architecture khmer dont s’inspire l’architecture thaï fut fortement influencée par l’hindouisme). Le mont Meru, demeure des dieux (l’équivalent de l’olympe dans la mythologie grecque) est ainsi à l’origine de la structure des temples. Une tour aux 33 étages représentant les 33 niveaux célestes doit se tenir au centre des temples. Ce sont les « prangs » pouvant être surmontés d’un trident, symbole divin d’Indra le roi de tous les dieux. Quant aux « chedis », ces tours en forme de cloche d’inspiration khmer, ils sont en général agrémentés d’une sphère représentant le centre du Nirvana. Ces chedis servent encore aujourd’hui à accueillir des reliques de bouddha (cheveux ou os), les cendres de la famille royale ou des lords Bouddha. Ils furent édifiés sur des terre-pleins incarnant le vaisseau de la rédemption propre à la religion bouddhiste. Ayutthaya adopte la forme d’un gigantesque Mandala (support de méditation de forme circulaire). Tout comme à Sukhothai, autre ancienne cité de Thaïlande, les édifices étaient entourés d’étangs symbolisant les océans séparant les hommes du royaume des dieux.

De nombreuses statues de bouddha, quand elles n’ont pas été victimes de pillages, veillent sur les temples d’Ayutthaya. Bouddha est souvent représenté dans différentes positions (debout, en tailleur, couché, etc). Une posture était particulièrement populaire à Ayutthaya : Bouddha assis en tailleur et touchant le sol de sa main droite pour appeler la déesse de la terre. 

Le Wat Phra Si Sampet

Seuls les édifices en pierre ont survécu au sac de la ville par les Birmans en 1767 (cf. article sur l’histoire de la ville). Ayutthaya offre ainsi à ses visiteurs de superbes Chedis et Prangs construits en briques. En revanche, les toitures des temples construites en bois ont disparu. L’un des plus grands temples d’Ayutthaya, le Wat Phra Si Sampet était le temple de la famille royale et était d’ailleurs rattaché au palais royal construit sous le roi Trailok (1448-1488). Seuls les membres de la famille royale avaient le droit d’entrer pour prier. Le temple est caractérisé par ses trois « chedis » dont la couleur grise témoigne des récents travaux de restauration. Ils accueillaient les cendres royales. Les cendres des rois Trailok, Borom Rachathirat et Rama Thibodi II ainsi que des reliques de Bouddha reposeraient dans ces trois chedis. Le temple était entouré d’un étang avec des fleurs de lotus. A l’intérieur, trônait une gigantesque statue de Bouddha commandée par le roi Rama Thibodi II. Haute de 16 mètres et recouverte de 250 kilos de feuilles d’or, elle était un témoignage de la puissance du royaume de Siam de l’époque. Elle ne résista malheureusement pas aux envahisseurs birmans au XVIIIème qui la firent fondre.

Wat Mahathat d'Ayutthaya
Wat Mahathat d’Ayutthaya

Le Wat Phra Mahathat

Tête de bouddha du Wat Mahathat

Se trouve plus loin une autre merveille du site, le Wat Phra Mahathat. Son « prang » (forme architecturale empruntée au Khmers) est soutenu par des « Garuda », oiseaux sacrés dont les effigies en pierre semblent veiller sur le temple pour l’éternité. Il s’agit surement du temple le plus connu et le plus visité à Ayutthaya en raison de sa célèbre tête de bouddha emprisonnée dans les racines d’un arbre. 

Il s’agit également d’un des plus beaux temples de la ville. Aux pieds du « prang », un bouddha vêtu d’un drap de soie jaune traditionnel semble se poster en gardien du temple, tandis que le long des murs se dresse toute une rangée de bouddhas en tailleur dont la plupart ont malheureusement été décapités, victimes de vol.

Le temple fut construit par Borommaracha Ier en 1374 et fut complété par le roi Songtham (1610-1628). Il occupait une place religieuse particulièrement importante. Le Wat Mahathat était le temple qui recevait la protection du roi, il était considéré comme le centre religieux mais également comme le centre de l’univers. Une conception qui trouve une nouvelle fois ses racines dans la mythologie hindou. Le Wat Mahathat était ainsi l’illustration du mont Meru, le centre de l’univers où résidait le dieu Indra mais également un lieu où étaient précieusement conservées les reliques de Bouddha. La ville d’Ayutthata comptait de multiple Chedis et de Prangs. Celui du Wat Mahathat était cependant le plus important. Il n’a malheureusement pas résisté à l’usure du temps et a fini par s’effondrer.

Wat Mahathat d'Ayutthaya
Wat Mahathat d’Ayutthaya

Le Wat Ratchaburan

Wat Ratchaburan

Autre temple incontournable, le Wat Ratchaburan où l’on peut encore admirer quelques fresques à l’intérieur. Ce temple fut construit au XVème siècle par le roi Borommaracha II, le septième souverain d’Ayutthaya. Il fut édifié en 1424 en la mémoire de ses deux frères morts au cours d’un duel à dos d’éléphant qui devait déterminer lequel des deux succéderait à leur père, le roi Intharacha Ier. Bien que victime d’un incendie en 1967, les travaux de restauration permettent d’admirer toute la splendeur du monument avec ses tours, son prang central et sa crypte. La crypte serait l’une des plus importantes de Thaïlande, elle contenait de nombreux objets royaux (insignes royaux, sceaux, attributs royaux, statues de bouddhas etc.) 

Ce temple a par ailleurs révélé un incroyable trésor archéologique. Le souverain Borommaracha II avait fait construire l’édifice après avoir envahi et pillé la cité khmer d’Angkor Thom (au Cambodge). Il aurait rapporté son trésor et l’aurait caché dans le « prang » du temple. Des objets en or, des tablettes et des bouddhas furent ainsi mis au jour en 1957 (en savoir plus sur les circonstances de cette découverte en cliquant ici) et sont aujourd’hui exposés au musée national d’Ayutthaya.

Le Wat Phra Ram

Plus modeste en taille que le Wat Mahathat ou le Wat Ratchaburana, le Wat Phra Ram mérite pourtant qu’on s’y attarde (cf. photo de couverture de l’article).

Selon d’anciens écrits, ce temple aurait pu être construit en 1369 par le roi Ramesuan, fils du roi U-Thong fondateur de la cité. Il aurait érigé le temple sur le lieu de crémation de son père. Une autre légende voudrait que le roi U-Thong ait fondé la cité près d’un étang qui se trouverait être celui situé en face du temple Wat Phra Ram.

Le Wat Chaiwattanaram

Wat Chaiwattanaram
Wat Chaiwattanaram
Prang du Wat Chaiwatthanaram
Prang du Wat Chaiwatthanaram

La visite de ce temple nécessite de s’éloigner du centre de la ville et de traverser la rivière, mais elle en vaut largement le détour. Le magnifique temple Chaiwattanaram est à mon sens le temple le plus impressionnant d’Ayutthaya.

Il aurait été construit par le roi Prasat Thong (1629-1656) en l’honneur de sa mère, sur les terres qui appartenaient à cette dernière, ainsi que pour commémorer la victoire sur les Khmers au Cambodge. Ceci expliquerait le style architectural khmer de l’édifice proche des temples d’Angkor Wat.

L’architecture du temple repose également sur la mythologie hindou, représentant l’ordre cosmique. Le prang principal représentant le mont Meru (cf. photos ci-contre et ci-dessus) était entouré de cercles concentriques représentant les sept océans et de chedis symbolisant les sept montagnes. Quant aux chedis situés aux quatre coins de la structure, ils représentaient les quatre continents (cf. maquette du temple ci-dessous).

Maquette du Wat Chaiwatthanaram
Maquette du Wat Chaiwatthanaram

Le Wat Putthaisawan

Ce temple excentré situé de l’autre côté de la rivière est l’un des plus anciens temples d’Ayutthaya. Selon la légende, il aurait été construit par le roi U-Thong Thibodi Ier, le premier roi d’Ayutthaya, à l’endroit où le souverain s’était établi avant de franchir la Chao Phraya pour construire la cité. S’il ne semble pas si ancien c’est parce que ce temple n’a jamais cessé de faire l’objet de restaurations. Le prang principal était ainsi probablement flanqué de deux autres prangs de plus petite taille. Un bouddha couché entouré de murs en ruine et les vestiges d’un grand hall témoignent de l’ancienneté de ce site. Pourtant, bien que des chroniques fassent référence à la construction de ce monastère sous le règne du souverain fondateur U-Thong, le style de son architecture (plus fine que certains temples construits après l’établissement de la ville comme le Wat Phra Ram) laisse plutôt penser à une construction plus tardive.

Le Wat Putthaisawan et son bouddha couché
Le Wat Putthaisawan et son bouddha couché

Le quartier portugais et l’église de Saint-Joseph

Le quartier portugais illustre parfaitement les relations commerciales et diplomatiques qui se sont établies à partir du XVIIème siècle avec les Occidentaux. Au quartier portugais vinrent s’ajouter d’autres campements étrangers en dehors de la ville, au sud d’Ayutthaya. Il est ainsi possible de visiter les « villages » japonnais et hollandais. De nombreuses nationalités (Hollandais, Portugais, Anglais, Français etc.) étaient ainsi présentes à Ayutthaya (cf. article sur l’histoire d’Ayutthaya).

Compte tenue de cette diversité, une langue aurait eu pour coutume d’être utilisée pour communiquer entre communautés, le portugais. D’anciens registres indiquent ainsi que si des étrangers souhaitaient communiquer avec des dignitaires d’Ayutthaya sans l’aide d’un interprète, ils devaient le faire en portugais. Les Portugais furent en effet les premiers à arriver sur les lieux en 1511 et à s’y établir. Les Portugais se seraient vu offrir des territoires après avoir pris part au combat victorieux d’Ayutthaya contre les Birmans à la bataille de Chiang Kran en 1520. Le roi leur accorda également l’indépendance religieuse. Avec une population qui atteignit près de 3000 habitants, la communauté portugaise était la plus importante d’Ayutthaya. La plupart d’entre eux étaient des marchands ou des soldats. Des travaux d’excavations conduits en 1983 mirent au jour les vestiges de ce village (bases d’une église, bouteilles de verre, croix etc.) ainsi que 200 squelettes.

Eglise Saint-Joseph d'Ayutthaya
Eglise Saint-Joseph d’Ayutthaya

Lorsque les missionnaires français arrivèrent à Ayutthaya, le roi Narai leur accorda des territoires sur lesquels ils construisirent une église, l’actuelle église dominicaine Saint-Joseph. L’église fut détruite par l’attaque des Birmans en 1767 et fut reconstruite en 1831.

Ainsi s’achève notre visite de la ville, en contemplant cette église contrastant avec la multitude de temples bouddhistes qui peuplent la Thaïlande. La formidable ville d’Ayutthaya qui a ainsi régné pendant 417 années jusqu’à sa destruction définitive par les Birmans, nous livre aujourd’hui les magnifiques vestiges de son passé. Malheureusement, pour certains d’entre eux le temps est compté. Car malgré les travaux de restauration, la ville est confrontée à une nouvelle menace : celle de son sol meuble qui à chaque saison des pluies fait progressivement pencher les temples au risque de les voir s’effondrer.

Pour en savoir plus sur Ayutthaya et ses visites incontournables je vous conseille de lire :

« Ayutthaya Guide to art and architecture » Museum Press

« Sites archéologiques, le patrimoine mondial de l’Unesco », édition Gründ, de Marco Cattaneo et Jasmina Triponi

Lonely Planet Thaïlande, nouvelle édition

National Geographic Thaïlande